Archives du mot-clé Science Fiction

Voyage au centre de la Terre – Jules Verne

9782253012542-tLes cercles de lecteurs ont parfois cet avantage qu’ils vous font redécouvrir les auteurs de votre enfance. Je gardais un assez mauvais souvenir du célèbre De la terre à la lune, et si j’avais aimé Les révoltés du Bounty, j’avais complètement oublié que Jules Verne en était l’auteur. Les souvenirs de lectures divers et variés des lecteurs de la bibliothèque de Lyon m’ont convaincue de retenter ma chance avec l’indémodable Voyage au centre de la Terre et grand bien m’en fit !

Dès les premières lignes, j’ai adoré découvrir le caractère si bien trempé du Professeur Lidenbrock, le dévouement de la bonne Marthe et la couardise du pauvre Axel. Je me suis prise au jeu des énigmes du mystérieux naturaliste islandais Arne Saknussemm. J’ai pris grand plaisir à découvrir les paysages islandais du XIXème siècle dans les écrits du célèbre écrivain français. De quoi raviver ma curiosité pour ces contrées reculées ! J’ai retrouvé ma fascination d’enfant pour les volcans, la lave, les grottes, les mers disparues et autres lieux merveilleux. J’ai subi l’oppression des étroits couloirs souterrains, j’ai senti mes lèvres et ma gorge se dessécher avec celles d’Axel, j’ai connu la solitude et la peur du néant et du noir, puis l’émerveillement, le désespoir à nouveau, l’approche de la mort, et les improbables retournements de situations… J’y ai cru à chaque seconde !

Indéniablement Jules Verne est un auteur à (re-)lire à tout âge, je pense déjà à Vingt mille lieues sous les mers… et à quelques autres écrivains islandais. 😉


Voyages au centre de la Terre – Jules Verne
vignettes par Riou

préface et commentaires de Jean-Pierre Goldenstein
Pocket, 1999, 487 p.


Challenges concernés 

Challenge Multi-défis 2016 : un classique du 19ème

9b4n

Cartographie des nuages – David Mitchell

Il arrive parfois – rarement – qu’un film soit à la hauteur de son original littéraire. Cartographie des nuages, filmographié sous le titre Cloud Atlas, en est un bel exemple. Sa riche adaptation m’avait fortement incitée il y a plusieurs mois à me procurer le livre sans que je me résolve à l’ouvrir immédiatement. Il me semblait nécessaire d’en digérer ma première impression avant d’aller plus loin. L’intervention d’Alison et sa proposition de lecture commune m’auront permis de sortir plus rapidement qu’à l’ordinaire – je suis une adepte de l’achat compulsif de livres qui prendront ensuite la poussière pendant des lustres – ce beau pavé de mes étagères.

La tentation est forte de classer ce récit parmi les incontournables de la science-fiction : un bon tiers de l’ouvrage se déroule effectivement dans des ambiances futuriste et post-apocalyptique. Ce choix serait pourtant profondément réducteur. Cartographie des nuages est un roman choral intercalant six époques différentes du 18ème siècle (ou avant ?) au XXIIIème (ou après ? ) intimement liées entre elles par des détails narratifs presque dérisoires et pourtant lourds de sens dans la construction du récit et pour le message final que voudrait nous transmettre l’auteur. Car il ne s’agit pas d’un roman distrayant facilement compris devant la toile blanche d’un cinéma de quartier. Si le film est dense et constitue une excellent adaptation, le livre va bien au-delà . J’y ai retrouvé immédiatement cette sensation de tournis face à la multiplicité de détails significatifs proposés, il m’aura fallu patienter près d’un tiers de l’ouvrage pour enfin lâcher prise, accepter de ne pas tout saisir et me laisser embarquer dans le troisième épisode truffé d’humour que constitue L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish, éditeur aliéné en fin de vie. Chacune des histoires rapportées possède son style, son genre et son ambiance propre : roman historique, polar, journal, correspondance, entretien, humour, science-fiction frisant parfois la fantasy ; amours et aventures scabreuses y trouvent également leur place, enfin et surtout le Bien et le Mal sont au centre du récit insidieusement sans être pour autant imposés au devant de la scène. Le génie de David Mitchell réside aussi dans ce dernier point. Cartographie des nuages est incontestablement un roman complet témoignant du talent et de la maitrise littéraire de son auteur.

Je vous livre quelques courts extraits issus des différents épisodes du roman :


« Mis en bouteille, le mépris que Mme Wagstaff affichait à l’égard de son mari eût fourni une excellente mort-aux-rats. »

Journal de la traversée du Pacifique d’Adam Ewing


« Zedelghem

le 16 août 1931,

Sixmith,

L’été a pris un tournant sensuel : la femme d’Ayrs et moi sommes amants. Ne t’emporte pas ! L’affaire est purement charnelle. La semaine dernière, un soir, elle a pénétré dans ma chambre, poussé le verrou derrière elle, et s’est déshabillée sans mot dire. Je ne veux pas me vanter mais je m’attendais à sa visite. En fait, j’avais laissé la porte entrouverte en songeant à elle. Essaie donc, Sixmith, de faire l’amour dans un parfait silence. Si l’on se tient coi, le tapage habituel se transforme en béatitude.

Quand on ouvre à soi le corps d’une femme, toutes les confidences qu’il contient en jaillissent (tu devrais essayer toi aussi ; les femmes, j’entends). Serait-ce en rapport avec leur inaptitude aux cartes ? Après l’amour, je préfère rester allongé, immobile, mais Jocasta parlait de manière compulsive, comme pour enterrer notre grand secret sous un tas de petites confessions. »

Lettres de Zedelghem


« Bill Smoke observe Rufus Sixmith quitter sa chambre d’hôtel, puis attend cinq minutes avant d’y pénétrer. Il s’assoie sur le rebord de la baignoire, et fait craquer ses poings gantés. Nulle drogue ou expérience mystique n’est aussi puissante que changer un homme en cadavre. Cependant, l’excercice nécessite cervelle, discipline et expertise. Faute de quoi, on finit sur la chaise électrique. L’assassin caresse son Krugerrand, une pièce d’or qu’il garde en permanence au fond de sa poche. Smoke ne supporte plus d’être assujetti à sa superstition, mais il ne va pas contrarier son amulette pour se prouver qu’il a raison. »

Demi-vies, la première enquête de Luisa Rey


«  Le temple du roi des rats, l’arche du dieu de la suie. Le sphincter de Hadès. La voici, la gare de King’s Cross, où, selon Bourre-pif, une turlute ne coûte que cinq livres : pour ce faire, se rendre dans n’importe lequel des trois derniers cabinets de gauche aux toilettes des hommes du premier sous-sol ; service assuré vingt-quatre heures sur vingt-quatre. »

L’épouvantable calvaire de Timothy Cavendish


« Cette escapade vous a donc aidé à vous… débarrasser de votre lassitude ?

D’une certaine façon, oui. Cela m’a permis de comprendre que la connaissance de l’environnement d’un individu vous donne la clé de son identité. Cependant, de mon environnement – Papa Song -, j’avais perdu la clé. Je me suis surprise à vouloir retourner à mon ancien dînarium souterrain de la place Chongmyo. Je n’arrivais pas bien à expliquer pourquoi ; toujours est-il que, parfois, les pulsions restent floues et sont pourtant pressantes. »

L’oraison de Sonmi~451


« Mais j’arrivais pas à oublier c’te fille fantôme, nan, elle hantait mes rêves d’réveillé ou d’endormi. J’sentais tell’ment d’choses qu’y avait pas assez d’place pour tout. Oh, c’est pas facile d’être jeune parc’que tout c’qui vous perplexe et vous anxiète, ça vous perplexe et vous anxiète pour la première fois. »

La croisée d’Sloosha pis tout c’qu’a suivi


Recopier ces quelques extraits m’est l’occasion – autant qu’à vous – de prendre conscience de leur impressionnante diversité. Il m’est difficile de croire – pourtant j’ai lu ce livre ! – que David Mitchell est l’auteur de chacun de ces six extraits pris (presque) au hasard. Ce que j’aime décortiquer un texte sous la dictée pour en saisir la maîtrise ! Certains penseront que j’ai peut-être quelques tendances masochistes, mais il me semble qu’il n’est pas de meilleur moyen d’appréhender le style d’un auteur qu’en recopiant mot à mot un de ses écrits.

Les six univers de Cartographie des nuages ne m’ont pas tous emballée de la même manière. Cela s’explique d’avantage par mes préférences littéraires que par la qualité propre à chaque récit. Je ne suis pas une grande adepte de roman humoristique a priori, pourtant les aventures de Timothy Cavendish m’ont fait rire aux éclats, celles d’Adam Ewing ouvrant et clôturant le livre sont magnifiques et forment le ciment de l’ensemble – d’où la brièveté de l’extrait sélectionné, je préfère vous laisser le plaisir de la découverte. J’aime beaucoup la révolte de Sonmi~451, beaucoup moins les péripéties de Luisa Rey – les polars et moi, c’est compliqué… Incontestablement, en revanche, mon coup de cœur revient à La croisée d’Sloosha et tout c’qui a suivi pour le style d’abord qui n’est pas sans rappeler celui de certains passages de La horde du Contrevent, pour le personnage de Zachry aussi et surtout, pauvre bougre malmené par la vie, dans un monde dévasté, profondément humain et droit autant que possible malgré le sort que la vie lui réserve. Voilà bien l’objet du livre : les choix de comportement justes ou lâches des différents protagonistes en réaction aux vicissitudes de mondes régis par des puissants ne servant que trop rarement l’homme et bien plus souvent l’argent ou le pouvoir, et les heureuses ou déplorables conséquences de ces choix….


Cartographie des nuages – David Mitchell, traduit de l’anglais par Manuel Berri
Points, 2013, 714 p.
Première publication en français : Editions de l’Olivier, 2007
Première publication : Cloud Atlas, Hodder and Stoughton, 2004


Challenge concerné

Challenge Pavés 2015/2016 sur Babelio

Le meilleur des mondes – Aldous Huxley

Il devait être écrit quelque part que cet été serait placé sous le signe de la science-fiction. Après La nuit des temps de René Barjavel, je n’ai pas su résister à la phrase tentatrice de mon amie Rita « Et Le meilleur des mondes tu l’as lu ? Si c’est pas le cas tu devrais, il est là sur mon étagère… ». Je n’ai pas eu le cœur de lui laisser prendre la poussière d’avantage.

Voilà un de ses livres qui m’aurait bien fait manquer mon arrêt de tram pour me rendre au travail – critère infaillible pour évaluer mon degré d’immersion dans un bouquin. Dès les premières pages, je m’exclamais presque à voix haute devant les descriptions de l’implacable usine à fabriquer des humains « stables ».

Publié en 1932, ce roman se présente comme une critique du fordisme, du communisme, et peut-être aussi comme une apologie du christianisme. Il décrit ce meilleur des mondes dans lequel l’homme serait débarrassé de toutes ses angoisses, jouissant d’un bonheur immédiatement omniprésent, où chacun est conditionné à vivre heureusement pour les autres. L’absurde atteint son paroxysme pour mieux trouver sa réponse dans l’art et la littérature. Shakespeare y est mis à l’honneur dans sa dimension la plus tragique et Voltaire n’est pas non plus en reste. Aldous Huxley a le génie de nous faire aimer nos angoisses, savourer nos absurdités comme des marques de notre humanité ô combien précieuse.

Suis-je la seule à puiser tant d’énergie dans ce livre ? L’avez-vous lu ? Comment l’avez-vous vécu ?


Le meilleur des mondes – Aldous Huxley, traduit de l’anglais (Royaume-Uni) par Jules Castier
Pocket, 2011, 319 p.
Première publication : 1932


Challenge concerné
(cliquez sur l’image pour les détails)

La nuit des temps – René Barjavel

« Rho le Barjavel!!!!! » s’exclamait Galéa en commentaire de mon article du 3 juin dernier sur mes petites emplettes du mois. Aurais-je donc fait mouche en craquant pour ce classique de la SF déniché dans les étagères du Café des artistes ?

Le risque de me planter était, avouons-le assez faible. J’avais lu un autre Barjavel il y a déjà quelques années, Les chemins de Katmandou, dans la foulée de Flash ou le grand voyage de Charles Duchaussois – j’étais dans « ma période toxico-asiatique » 😉 . Et je me souviens avoir aimé, bien que mes souvenirs, 5 ans plus tard, soient plutôt confus.

Pour une fois, « mes petites emplettes littéraires » n’auront pas trop traînées sur ma pile-à-lire. Ni une ni deux Inganmic me propose une lecture commune pour le 28 juillet – aujourd’hui en somme – et je me plonge dans le récit… avec délice.

La nuit des temps, dans mon calendrier de lecture, faisait suite au Rivage des Syrtes de Julien Gracq. Le pari était audacieux. Epuisée par cette lecture riche, lente et à la digestion fastidieuse, me plonger dans un nouveau classique m’inquiétait un peu. Futile tourment ! Les premières lignes d’une lettre d’amour enflammée et desespérée auront eu raison de mes préjugés ; et je n’ai décroché les yeux du roman qu’à grand peine, pestant contre les tramways trop rapides (je lis dans les transports en commun), mon manque de résistance au sommeil et contre tout autre obstacle m’imposant de quitter les aires glaciaires de l’Antarctique ou l’harmonieuse compagnie d’Eléa et Païkan !

Je ne suis pas une grande lectrice de science-fiction, je ne m’adonne que très rarement à ce genre littéraire, sans doute à tord puisque j’y trouve grand plaisir – citons pour l’exemple La Horde du Contrevent d’Alain Damasio. Ces romans questionnent avec justesse nos sociétés actuelles et apportent leur lot de rêves, de réponses ou de signaux d’alarmes au lecteur emballé.


La nuit des temps – René Barjavel
Pocket, 2014, 410 p.
Première édition : 1968


 

 

Nouvelles – Ray Bradbury

Nouvelles - Ray Bradbury

Me voilà devant la bibliothécaire de la médiathèque Ceccano.

– « Vous n’auriez pas des ouvrages en VO s’il vous plait pour travailler l’anglais ? »

Et me voilà avec cette édition bilingue des Nouvelles de Ray Bradbury. Je prends le livre du bout des doigts. Ça devrait faire l’affaire mais j’avoue que ça me coûte : l’anglais c’est pô trop mon délire…Mais il faut s’y mettre et m’y voilà ! Et que vous le croyez ou non, je l’ai aimé ce bouquin !! D’abord, j’ai apprécié avoir les deux versions du texte en français et en anglais. C’est un excellent moyen d’acquérir du vocabulaire et puis ça évite de décrocher complètement si jamais le texte anglais s’avère trop compliqué. Et puis on peut comparer rapidement notre compréhension du texte anglais à sa traduction française…ça rassure un peu. Mais au-delà de la méthode d’apprentissage, je me suis surprise à aimer lire en anglais, à repérer les jeux de mots (merci les notes de bas de page!), à trouver la version française fade…La traduction française ne reflète pas l’humour et les jeux de mots de la version originale. Bradbury se lit vraiment facilement et ses textes savent nous tenir en haleine.  J’apprécie l’originalité de ses nouvelles extraites de certains de ses recueils les plus connus : Les Chroniques martiennes, Les pommes d’or du soleil ou encore L’homme illustré. Qui aurait pensé décrire avec autant de précisions la folie qui envahit des hommes « prisonniers » de la pluie ? Ou l’expérience de ses terriens fraîchement débarqués sur une nouvelle planète ? Chacune de ses nouvelles ne manque pas d’originalité et chacune m’a surprise et transportée à sa façon dans un autre univers.

Voilà donc un auteur que je vous recommande chaudement et j’espère bien avoir l’occasion de lire d’autres de ses oeuvres entièrement en anglais et dans leur version complète.