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Ruy Blas – Victor Hugo

couv61289954Oulala ! La date limite pour notre lecture commune de Ruy Blas était fixée au 10 décembre… Je ne suis pas encore en retard, mais il s’en est fallu de peu.

Je dois admettre que j’ai attendu le dernier moment avant de me procurer une vieille édition de préparation au bac de Ruy Blas, la motivation plutôt en berne… J’ai un lointain souvenir d’exercice scolaire sur ce titre qui m’avait laissé de marbre. La lecture des premières pages de la pièce s’est d’ailleurs avérée assez fastidieuse… Franchement, vous avez vu les trésors que recèlent mes étagères, pourquoi m’astreindre à ces vieilleries conventionnelles ?

Trève de mauvaise foi ! Passée la pemière scène et malgré mon déplorable manque d’intérêt pour la lecture des pièces de théâtre, j’ai retrouvé l’immense plaisir des vers de Victor Hugo… quitte à passer pour vieille et conventionnelle ! J’ai adoré les épanchements amoureux de Ruy Blas envers la reine, j’ai ris des péripéties de Don César, j’ai frémis des projets de Don Salluste.. et j’aurais presque pleuré du sort final… Pour en pleurer tout à fait, il me faudrait voir jouer la pièce.

Cette belle expérience de lecture ne me réconcilie pas encore complètement avec le théâtre. Il faudra certainement me bousculer à nouveau pour que j’accepte de faire tomber mes appréhensions et que je priorise ce type de lecture. Toutefois, je dois admettre qu’épisodiquement, j’apprécie de me plonger dans ce genre littéraire, par curiosité, histoire de ne pas le perdre complètement de vue.

A ma décharge, j’adore me rendre au théâtre, en vrai !, et j’apprécie tout particulièrement le théâtre d’improvisation, celui qui ne se lit pas ! 😉

Retrouvez les billets de Claudialucia, Nathalie, Laure, et bientôt Miriam.


Ruy Blas – Victor Hugo
Nathan, 1996, 263 p.
Première publication : 1838


Challenges concernés 

Hernani – Victor Hugo

Avec cette pièce de théâtre jouée en 1830 pour la première fois. Je retrouve « le grand Hugo » après mes légères déceptions de ces derniers mois (Bug-Jargal et L’art d’être Hugo). Je ne suis pourtant pas adepte de théâtre et ai beaucoup de mal à m’orienter dans ce genre de littérature.

En lisant Hernani, si je lis du théâtre, je m’attache en premier lieu aux vers en alexandrin avec leurs rejets, enjambements et autres vers ternaires que la postface me permet de nommer. Dès la lecture, ces techniques novatrices en ce début de XIXème siècle m’interpellent, me surprennent sans que je sois en mesure de les reconnaitre. Le propos énoncé se déploie dans l’espace du tramway où je les lis et les scènes se déroulent véritablement devant mes yeux pour mon plus grand plaisir – et gare à celui qui me bousculera et interrompra ma lecture, quelle folie de lire dans les transports en commun !

Je me délecte ensuite du sens de l’honneur des personnages, en particulier celui de Don Ruy Gomez, dont le respect des anciens et la nécessité de recevoir au mieux son hôte friserait l’absurde si les enjeux n’étaient pas si grands. Ce même sens de l’honneur poussera d’autres personnages aux choix les plus tragiques. Ce flirt permanent – si je puis m’exprimer ainsi – entre honneur ou courage et absurde le plus profond est pour moi l’élément clé de la la pièce. Il me déstabilise, m’invite à m’attacher aux personnages, et me questionne ; ce sens de l’honneur a-t-il seulement encore un sens  ?

Hernani représente-t-elle une réalité de la vie, une quête de sens aboutie, ou une réalisation de l’absurde le plus complet ? Aucune réponse n’est satisfaisante, et cet entre-deux me plait et maintient ma pensée en mouvement.

L’œuvre est riche sur de nombreux autres points, la complexité des personnages, le lyrisme, le bouleversement qu’elle engendre à l’échelle de l’histoire littéraire, sans parler de la mise en scène pour ceux qui auraient la chance de la voir jouée. Les écrits sur Hernani sont nombreux pour ceux qui souhaiteraient y avoir recours – et en partie cités en fin de mon édition du Livre de Poche.

Je remercie Claudialucia pour m’avoir incitée à lire ce livre, je ne l’aurais certainement pas fait avant bien longtemps sans le Challenge Victor Hugo. Cette pièce est également chroniquée dans le cadre du Challenge Théâtre d’Eimelle, du Challenge XIXème de Fanny et du Challenge romantique de Claudialucia.

Participent également à cette lecture commune : ClaudialuciaEimelle, Laure, Miriam, et Nathalie.

L’art d’être Hugo – Pascal Durand

J’ai déniché ce court essai alors que je flânais au rayon Poésie de la bibliothèque de la Part-Dieu, comme souvent, lorsqu’il me prend l’envie de lire Victor Hugo.

Avec L’art d’être Hugo : lecture d’une poésie siècle, Pascal Durand, professeur de philosophie et de lettres à l’université de Liège, nous propose de relire la vie du grand auteur au prisme de ses œuvres poétiques, dans un style parfois ampoulé, il faut bien l’admettre.

L’essai ne m’a pas vraiment emballé, mais – et c’est là l’essentiel – il m’a permis de mieux me repérer dans la chronologie des publications de Victor Hugo et de constater que les quelques recueils du poète que j’ai lu ont été rédigés dans la deuxième partie de sa vie. Peut-être parce que ce sont les plus réputés, ou les plus aboutis, les mieux réussis, que sais-je ? Il semblerait que j’ai un faible pour cette période. En effet, j’ai lu les deux premiers romans de Victor Hugo Bug-Jargal et Han d’Islande, mais ceux-ci ne m’ont pas autant impressionnée que L’homme qui rit, écrit à la fin de sa vie.

Si j’ai ressenti un certain plaisir à retrouver La légende des siècles, les Contemplations ou encore L’année terrible dans les lignes de Pascal Durand, j’ai également pris conscience de mes nombreuses lacunes à combler quant aux premiers écrits poétiques de l’auteur. Je pense tout particulièrement aux Orientales et Feuilles d’automne, et ces recueils ne sont pas les seuls. Bien qu’un peu déçue par les premiers romans de Victor Hugo, cet essai m’incite à tenter ses premiers poèmes.

 Sur le plan pratique, j’ai naturellement eu envie de retourner aux textes originaux pour comprendre ce à quoi faisait référence Pascal Durand, et j’ai été frustrée de constater que le système de citation de l’essai (par n° de page dans l’édition mentionnée) ne me permettait pas de retrouver les passages concernés dans mes propres ouvrages de Victor Hugo. Une référence au titre des poèmes aurait été préférable.

Une lecture mitigée, en somme, mais qui ne m’enlève pas le goût de la littérature hugolienne. En revanche, je conseille cet essai aux grands lecteurs de Victor Hugo qui sauront, mieux que moi, y trouver leurs repères.

Cette chronique est rédigée dans le cadre du Challenge Victor Hugo, du Challenge romantique et du Challenge XIXème.

La légende des siècles – Victor Hugo

Entreprendre de lire la Légendes des siècles du début jusqu’à la fin est une tâche longue et fastidieuse mais non dénuée de sens. En quelques 900 pages de La Pléiade c’est toute l’histoire des hommes que j’ai pu retracer : de la création d’Adam à l’après XIXème siècle. Cela dit l’expérience n’a évidemment rien à voir avec la lecture d’un manuel d’histoire. Plus qu’une chronologie ce sont toutes les étapes fondatrices et intemporelles de l’évolution humaine que Victor Hugo nous propose de parcourir avec lui. Quelques grands rois et empereurs sont nommés, les faits d’autres héros et personnages légendaires sont relatés. Mais ce que V. Hugo a voulu montrer, pour chacun d’eux, ce ne sont pas leurs particularités propres, mais plutôt leurs qualités universelles : leur égoïsme tout autant que leur héroïsme.

La Légende des siècles est un hommage à l’homme dans ce qu’il est de plus beau et de plus terrible, du plus mesquin au plus grand, du plus misérable au plus puissant.

Au-delà de l’homme, Victor Hugo rend hommage à tout ce qui dépasse l’individu : l’Océan, l’Infini, les Astres, la femme, Dieu. Toute la puissance de l’auteur, ici encore, réside dans sa capacité à remettre l’homme face à son devoir et à ses valeurs : la loyauté, le respect, l’humilité, l’amour du plus petit, la justice, l’aspiration à ce qui le dépasse.

Je ne peux pas dire que j’ai lu ces 900 pages de manière égale. Il est extrêmement difficile de rester concentrée constamment lors d’une si longue lecture. Mais je crois pouvoir dire que je ne me suis jamais ennuyée : lorsque j’étais trop fatiguée ou trop dispersée pour m’attacher au sens, le rythme des vers, la musique des mots prenaient le relais pour m’apaiser, me bercer et surtout me nourrir des idéaux de ce si grand homme.

Il m’était important de dérouler La Légende des siècles, une fois au moins, dans toute sa longueur. Si je dois y revenir, et j’y reviendrai, ce sera en piochant au hasard un poème ou un verset, lu isolément, pour mieux m’en imprégner, tout en gardant en arrière-plan de ma mémoire le contexte global auquel il appartient.

Ce recueil est chroniqué dans le cadre du Challenge romantique et du Challenge Victor Hugo de Claudialucia , du Challenge XIXème de Fanny et du Challenge Poésie 2014-2015 de Myriam sur Babelio.

Les oiseaux – Victor Hugo

Je rêvais dans un grand cimetière désert ;
De mon âme et des morts j’écoutais le concert,
Parmi les fleurs de l’herbe et les croix de la tombe.
Dieu veut que ce qui naît sorte de ce qui tombe.
Et l’ombre m’emplissait.

Autour de moi, nombreux,
Gais, sans avoir souci de mon front ténébreux,
Dans ce champ, lit fatal de la sieste dernière,
Des moineaux francs faisaient l’école buissonnière.
C’était l’éternité que taquine l’instant.
Ils allaient et venaient, chantant, volant, sautant,
Égratignant la mort de leurs griffes pointues,
Lissant leur bec au nez lugubre des statues,
Becquetant les tombeaux, ces grains mystérieux.
Je pris ces tapageurs ailés au sérieux ;
Je criai: — Paix aux morts ! vous êtes des harpies.
— Nous sommes des moineaux, me dirent ces impies.
— Silence ! allez-vous en ! repris-je, peu clément.
Ils s’enfuirent ; j’étais le plus fort. Seulement,
Un d’eux resta derrière, et, pour toute musique,
Dressa la queue, et dit : — Quel est ce vieux classique ?

Comme ils s’en allaient tous, furieux, maugréant,
Criant, et regardant de travers le géant,
Un houx noir qui songeait près d’une tombe, un sage,
M’arrêta brusquement par la manche au passage,
Et me dit : — Ces oiseaux sont dans leur fonction.
Laisse-les. Nous avons besoin de ce rayon.
Dieu les envoie. Ils font vivre le cimetière.
Homme, ils sont la gaîté de la nature entière ;
Ils prennent son murmure au ruisseau, sa clarté
A l’astre, son sourire au matin enchanté ;
Partout où rit un sage, ils lui prennent sa joie,
Et nous l’apportent ; l’ombre en les voyant flamboie ;
Ils emplissent leurs becs des cris des écoliers ;
A travers l’homme et l’herbe, et l’onde, et les halliers,
Ils vont pillant la joie en l’univers immense.
Ils ont cette raison qui te semble démence.
Ils ont pitié de nous qui loin d’eux languissons ;
Et, lorsqu’ils sont bien pleins de jeux et de chansons ;
D’églogues, de baisers, de tous les commérages
Que les nids en avril font sous les verts ombrages,
Ils accourent, joyeux, charmants, légers, bruyants,
Nous jeter tout cela dans nos trous effrayants;
Et viennent, des palais, des bois, de la chaumière,
Vider dans notre nuit toute cette lumière!
Quand mai nous les ramène, ô songeur, nous disons :
-Les voilà!- tout s’émeut, pierres, tertres, gazons ;
Le moindre arbrisseau parle, et l’herbe est en extase ;
Le saule pleureur chante en achevant sa phrase ;
Ils confessent les ifs, devenus babillards ;
Ils jasent de la vie avec les corbillards ;
Des linceuls trop pompeux ils décrochent l’agrafe ;
Ils se moquent du marbre; ils savent l’orthographe ;
Et, moi qui suis ici le vieux chardon boudeur,
Devant qui le mensonge étale sa laideur,
Et ne se gène pas, me traitant comme un hôte,
Je trouve juste, ami, qu’en lisant à voix haute
L’épitaphe où le mort est toujours bon et beau,
Ils fassent éclater de rire le tombeau.

Poème extrait des Contemplations, publié ici dans le cadre du challenge Victor Hugo de Claudialucia.

Retrouvez les poèmes sélectionnés par Claudialucia, Asphodèle, Valentyne et Margotte.

Bug-Jargal – Victor Hugo

L’histoire débute dans un campement militaire. Un sergent entre dans la tente où ses collègues sont rassemblés. Il s’est blessé en partant à la rescousse de Rask le chien de son capitaine. Idée stupide, semble-t-il, jusqu’à ce que le capitaine D’Auverney entreprenne de raconter l’histoire de ce chien et de son précédent maître, Bug-Jargal autrement nommé Pierrot. Cette anecdote militaire est le prétexte pour entrer dans la narration d’un fait historique majeur : la révolte des esclaves de Saint-Domingue en 1791. Avec Bug-Jargal, Victor Hugo signe son premier roman, il a alors 16 ans, et l’œuvre est impressionnante de détails sur la vie dans les colonies françaises et d’idéaux revendiqués. Je découvre, à travers les yeux du jeune capitaine d’Auverney, une partie de la vie de l’esclave Pierrot à Saint-Domingue, prince en son pays, amoureux transi d’une certaine Marie, promise justement au fameux capitaine. Sur fond de révolution, le récit alterne entre tirades romantiques – plutôt naïves – et mésaventures caricaturales dans le camp insurgé des plus ou moins « bons sauvages ».

Pour être tout à fait sincère, les personnages de Marie et de son capitaine ne m’ont pas véritablement emballés, leurs amours adolescentes sont peu crédibles (et reflètent peut-être l’âge de l’auteur). Cela dit, à 16 ans tout juste, le grand Victor Hugo pointe déjà le bout de sa plume : le personnage de Bug-Jargal, par les valeurs qu’il défend et la sagesse dont il fait preuve, est digne des Gwynplaine et autre Quasimodo. Rebut de la société, malchanceux à l’extrême, il incarne le courage, le sens du sacrifice et l’honnêteté des plus grands. En se positionnant dès son plus jeune âge contre les pratiques esclavagistes de son époque, l’auteur fait montre d’une conscience politique extrêmement précoce qui n’en est alors qu’à ses prémices.

Ce roman précède de quelques années à peine la rédaction de Han d’Islande que j’ai lu il y a quelques mois. L’intrigue de ce dernier se déroule sur fond de révolte de mineurs en Norvège. Il vient en ce sens prolonger Bug-Jargal et annonce un des fils rouges de l’œuvre entière de Victor Hugo : la condition sociale des plus miséreux.

Je partage cette lecture avec Claudialucia, Laure, Margotte, et Miriam dans le cadre du challenge Victor Hugo. Je n’oublie pas pour autant le challenge romantique et le challenge XIXème. N’hésitez pas à nous rejoindre ! 😉

Victor Hugo et Dieu – Emmanuel Godo

Je me plais parfois à dire que j’ai commencé à lire en 2013. Si je veux être exacte, j’ai plutôt re-commencé à lire en abondance début 2013 en ouvrant L’homme qui rit de Victor Hugo. Je n’ai pas chroniqué ce roman ici parce qu’il m’est très difficile de formuler décemment son caractère monumental. Je crois que je n’exagèrerais pas si je vous disais que je l’ai vécu comme une révélation. Depuis L’homme qui rit, les écrits de Victor Hugo tiennent place de fil rouge dans mes lectures et dans ma vie : Han d’Islande, Les contemplations, L’année terrible et aujourd’hui La légende des siècles se sont succédé tour à tour sur ma table de chevet ou dans mon sac à main.

J’ai pris connaissance de l’essai d’Emmanuel Godo grâce aux notes de bas de page de Religions : les mots pour en parler. L’auteur le citait en exemple d’un travail de recherche sur l’homo poeticus. J’ai consciencieusement noté la référence pour y revenir au moment opportun. Dans son livre, Emmanuel Godo nous propose de retracer l’évolution spirituelle de Victor Hugo à partir, essentiellement, de son œuvre littéraire, particulièrement prolifique sur la question religieuse. Il met ainsi de côté l’homme politique pour se focaliser sur un aspect peut-être moins connu du grand homme : sa relation à Dieu.

Victor Hugo et Dieu : bibliographie d’une âme est un essai de 250 pages, pas trop long et très accessible. Il n’est pas nécessaire d’être agrégé de lettres modernes pour le comprendre. Truffé de citations de Victor Hugo, c’est un vrai plaisir à lire, invitant à découvrir d’avantage encore l’auteur concerné. L’ouvrage est divisé en 11 chapitres correspondant chacun à une étape de la vie de Victor Hugo, présentée dans l’ordre chronologique. Chaque période possédant ses caractéristiques spirituelles propres.

Né en 1802 à Besançon, on apprend que Victor Hugo n’a reçu aucune éducation religieuse, il n’était pas baptisé. Vers 1819, il admet être passé « du royalisme voltairien de sa mère au royalisme chrétien de Chateaubriand ». Mais ce rapprochement du christianisme, fortement lié à ces penchants politiques, ne durera qu’un temps. De 1825 à 1830, Hugo se détache progressivement de l’Église, alors que sa foi s’affermit. Il écrira notamment dans un poème intitulé Tas de pierre :

« Au fond, Dieu veut que l’homme désobéisse. Désobéir, c’est chercher».

Face à l’institution ecclésiale, Victor Hugo prend le parti de Dieu, et avec Dieu celui du peuple – fil rouge de son œuvre littéraire, autant que politique. Le 4 septembre 1843, V. Hugo perd sa fille, Léopoldine. Cette tragédie ouvre alors dans sa vie ce que Maurice Levaillant appelle la crise mystique de Victor Hugo. Emmanuel Godo parle d’exil métaphysique. La souffrance devient un moyen de connaissance pour Victor Hugo : puisque sa fille appartient à l’invisible, le poète consacrera dorénavant sa vie à définir cet invisible. Il faudra plus de 10 ans avant que Victor Hugo ne puisse formuler ce drame en poème, il publiera les Contemplations en 1856. Dans l’intervalle, en 1851, Bonaparte fait son coup d’état et Hugo doit s’exiler physiquement à Bruxelles, puis sur l’ile de Jersey. Commence alors la période des tables tournantes : Hugo s’adonne au spiritisme. Les compte-rendus des Tables sont publiés, on les trouve encore aujourd’hui en édition de poche. Quoique l’on pense de ces activités, il faut retenir que Victor Hugo, lui, y croit : il dialogue ainsi avec sa fille, le Christ, Alexandre le Grand, Dante, Galilée, Shakespeare, etc. Ces expériences prennent fin lorsque l’un des membres du groupe est interné. Pendant ses 19 années d’exil, la foi de Victor Hugo se concrétise à travers certaines de ses plus grandes œuvres : Les Contemplations, La légende des siècles, Les misérables, L’Homme qui rit, etc.

Emmanuel Godo consacre plusieurs pages magnifiques à L’homme qui rit. Il va jusqu’à écrire, discrètement, en note de bas de page :

« Chaos Vaincu est le titre du drame présenté par Ursus [l’un des personnages principaux de L’homme qui rit] et pourrait servir de sous-titre au roman tant la victoire sur le chaos y est centrale : victoire – espérée – de l’esprit sur la matière, des mots sur l’informe, du sens sur la fatalité de l’absurde. »

Comprendra qui voudra mais pour ma part, c’est bien comme cela que j’ai reçu L’homme qui rit : une victoire du sens sur l’absurde. Et merci monsieur Godo d’avoir su le nommer ! Parce que mis à part balbutier « y’a un truc dans ce roman », je n’aurais jamais pu le formuler moi-même…

Pour en revenir à notre histoire, Victor Hugo rentre en France en 1870, c’est la défaite contre la Prusse, puis la Commune. Il publiera l’année suivante L’Année terrible où il retrace les événements des mois précédents. La spiritualité hugolienne est inséparable de ses actes et de ses choix politiques, il montre un soutien indéfectible au peuple qui le lui rend comme il peut, idolâtrant d’avantage l’homme social et politique que l’écrivain inspiré.

En permanence tourné vers le Christ ou vers Dieu – qu’il nomme également de son nom laïc : le Progrès – Hugo a foi avant tout en l’homme et ne reviendra jamais vers l’Église et ses dogmes. Pour résumer la singularité de la démarche de Victor Hugo, Emmanuel Godo écrit :

« C’est un croyant profond et sincère qui refuse les sacrements d’une Eglise en laquelle il ne reconnaît pas les principes spirituels et moraux sur lesquels il a fondé sa vie et non un athée. »

Victor Hugo meurt le 22 mai 1885. Maupassant écrit qu’ « il attendait la mort sans crainte, avec sérénité ». Ses dernières volontés étaient d’être enterré auprès des siens, au lieu de quoi il reposera au Panthéon et ses funérailles laïques feront date dans l’histoire de France. Emile Augier déclare ce jour-là, au nom de l’Académie Française :

« Ce n’est pas à des funérailles que nous assistons, c’est à un sacre. »

Pour tout vous dire, j’avais un peu peur en m’attaquant à l’essai d’Emmanuel Godo. Je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre. Finalement, j’y ai pris beaucoup de plaisir, j’ai appris beaucoup de choses, et surtout j’ai eu envie de continuer à lire encore et encore Victor Hugo, à m’intéresser d’avantage à ce personnage, monstre sacré s’il en est, à comprendre sa démarche singulière fondée sur la liberté, les actes, la quête spirituelle, la beauté aussi, la raison surtout, le social – au sens fort du terme – et la foi bien évidemment. J’ai également épluché la bibliographie en fin d’ouvrage – petit bonheur qui ouvre toujours de nouvelles portes. Outre d’autres essais sur Victor Hugo, je suis curieuse de ces quelques références sur le romantisme et l’histoire de la pensée au XIXème siècle.

Affaire à suivre…

[Cet article a été publié, a posteriori, dans le cadre du Challenge romantique de ClaudiaLucia]