Archives pour la catégorie Lectures studieuses

Panser la mort – Bernard Sportès

Bernard Sportès est médecin, généraliste, coordonnateur d’Ehpad, formé en soins palliatifs. Grâce à sa longue expérience d’accompagnement des mourants, il dresse un tableau exhaustif et sensible des enjeux qui entourent le douloureux débat de la mort assistée.

Tout d’abord neutre, il expose les tenants et les aboutissants de la loi Claeys-Léonetti qui encadre actuellement la fin de vie en France et qui permet déjà une « sédation jusqu’au décès ». Il aborde aussi brièvement la manière dont nos voisins suisse et belge, mais également les canadiens et américains, ont légiféré sur cette question.
La loi française ne convainc pas toute la population, et plusieurs associations se sont formées pour défendre ou s’opposer à une possible mort administrée qui irait plus loin dans la prise en charge de la fin de vie. L’exposé de B. Sportès se montre dans un premier temps très neutre et respectueux des argumentaires des uns et des autres.

L’ouvrage prend une tournure davantage militante lorsqu’il s’agit de présenter les mœurs et pratiques actuelles. L’euthanasie n’est pas entrer dans les mœurs françaises. En pratique, on ne l’administre pas. Personne ne souhaite véritablement s’en charger et si les malades ont parfois peur de ce qui les attend, très rares sont ceux prêt à agir pour anticiper leur mort.
Bernard Sportès n’hésite pas à décortiquer notre peur de la mort et de la douleur mais aussi notre angoisse de vieillir, la perception du vieillissement dans notre société. Il accompagne son propos de nombreux témoignages de patients qu’il a accompagné jusqu’à la fin, parfois dans la douleur. Il questionne notre rapport à cette dignité qui serait bafouée par le grand âge.

Dans une critique virulente de l’organisation actuelle de la médecine, une médecine industrielle phagocytée par les différents lobbies, en manque permanente de personnel, centré sur l’organe plus que sur la personne,  il s’efforce de proposer une autre vision de notre système de santé. Un idéal vers lequel on peut espérer tendre. Il  nous parle d’un accompagnement où le médecin généraliste deviendrait un médecin de la personne et serait, avec le patient, au cœur du processus médical et en mesure d’interagir avec les différents spécialistes impliqués dans la santé de son patient. Si bien que l’heure venue, le patient ne serait plus balloté d’un service de spécialité à l’autre en fonction de la place disponible, mais serait accompagné jusqu’au bout dans un lieu adapté par des personnels soignants formés en mesure d’entendre et de respecter ses choix, et d’agir s’il le fallait, dans un ultime soin, pour soulager des souffrances devenues véritablement insupportables. Bernard Sportès n’hésite pas à nous parler de la psychologie du mourant, des différentes phases de peur, d’acceptation et d’adaptation dans un corps douloureux mais pas pour autant ennemi ni indigne. Il n’hésite pas aussi à nous parler de ce moment de décrochage où le patient est prêt à partir, où il ne faut plus lutter pour le retenir mais où il est encore possible de prendre soin de lui pour un départ le plus naturel et le plus doux possible.

Panser la mort est un livre nécessaire pour un éclairage avisé sur nos zones d’ombre. Jusqu’à la dernière ligne, Bernard Sportès nous rappelle que « la mort est un fait social total ». Prendre soin de nos morts, notre mort aussi, par conséquent, c’est prendre soin de toute la société et c’est aussi repenser notre interprétation de la République et de sa devise. Panser et penser la mort, c’est ne plus opposer liberté et fraternité mais au contraire construire une fraternité qui préserve concrètement la liberté de tous et de chacun.

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La personne et le sacré – Simone Weil 

Dans ce tout petit livre publié chez Allia, Simone Weil s’attache à redéfinir la personne. Notion qu’elle distingue d’emblée de la personne telle quelle est abordée dans les courants personnalistes.  

Elle écrit : « Il y a dans chaque homme quelque chose de sacré. Mais ce n’est pas la personne.  » On peut entendre ici la personne comme synonyme de l’ego. Ce qui est sacré, c’est le Soi ou l’être humain dans sa totalité, au-delà de l’ego, dans ce qu’il a d’universel et d’impersonnel. 

La quatrième de couverture comporte cette simple citation de la philosophe : « Il faut encourager les idiots, les gens sans talent, les gens de talent médiocre ou à peine mieux que moyen, qui ont du génie ». Il faut entendre ceux qui ont le génie de mettre leur égo de côté et qui sont purs de toute forme d’orgueil ou d’égocentrisme.  

« La perfection est impersonnelle. La personne en nous, c’est la part en nous de l’erreur et du péché. Tout l’effort des mystiques a toujours visé à obtenir qu’il n’y ait plus dans leur âme aucune partie qui dise « je ». Mais la partie de l’âme qui dit « nous » est encore infiniment plus dangereuse ». 

S’ensuit une diatribe sur les dangers des partis politiques, voire de la démocratie. Elle part du principe qu’une foule ne pense pas. Un individu dans la foule suit souvent le mouvement et perd la direction de son âme et conscience. C’est là toute l’exigence et la subversivité de Simone Weil. Philosophe politique et mystique ; mais les mystiques peuvent-ils faire de la politique ?  

Eminemment guidée par le Bien, les écrits et la pensée de Simone Weil témoignent d’un impressionnant décrassage de la psyché pour n’en garder que le cœur pur et impersonnel. Il est bon d’en prendre son parti et de s’en inspirer, individuellement, d’y cheminer à son niveau. Il est nettement plus dangereux de s’en inspirer politiquement. Le risque d’incompréhension et de déviance de son propos est beaucoup trop élevé. 

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L’enracinement – Simone Weil 

Simone Weil est inclassable, anarchiste, chrétienne, intellectuelle, syndicaliste… Sa philosophie est passée à l’épreuve du travail physique et de la condition ouvrière. La lecture de L’enracinement est déroutante : aucun lieu commun, aucun « prêt-à-penser », une exigence et une intransigeance assumée de l’autrice. Il faut s’accrocher, rester concentrée, reprendre le livre à plusieurs reprises pour suivre ce raisonnement qui s’ancre dans la vérité, et l’authenticité à soi et aux autres.  

L’enracinement, en quelque sorte, s’attache à définir les mécanismes du sentiment d’appartenance et les manières de l’insuffler. Simone Weil commence son ouvrage par identifier les besoins de l’âme qui complètent nécessairement les besoins du corps. Ces besoins, déjà, sont déroutants, parfois paradoxaux, mais tous argumentés : l’ordre, la liberté, l’obéissance, la responsabilité, l’égalité, la hiérarchie (dont le sommet, la finalité, doit être représenté par un symbole et non pas une personne), l’honneur, le châtiment (comme seul moyen d’être réintégré dans la société après un crime), la liberté d’opinion, la sécurité, le risque, la propriété privée, la propriété collective, la vérité et l’enracinement.  

Elle définit ainsi le besoin d’enracinement page 55 :  

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Le désert intérieur – Marie-Madeleine Davy 

Marie-Madeleine Davy, spécialiste de la mystique médiévale, part de l’affirmation que la vocation des hommes nouveaux se trouve dans le désert intérieur, autrement dit le « sanctuaire » de l’intériorité. Elle s’appuie, pour soutenir son propos, sur les écrits des Pères du Désert de Gaza. Elle s’attache ainsi à retracer la symbolique du désert dans l’histoire, et à situer l’homme par rapport à ce désert qui n’est pas seulement géographique. La solitude extérieur de l’ermite du désert est comparable à celle de l’ermite intérieur. L’homme moderne isolé dans des villes fourmillantes et un monde du travail déstructurant a, malgré tout, toujours accès au vaste espace du désert intérieur. Il redéfinit le sacré, trop souvent confondu avec le religieux, et apprend à le discerner dans une modernité désacralisée. Le désert intérieur, ainsi, peut s’opposer aux rituels et lieux de l’Eglise. L’idée est que la véritable demeure du sacré est au-dedans et qu’elle demande à être construite. « Seule l’intériorité rend libre » souligne M.-M. Davy page 40.

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Caliban et la Sorcière – Silvia Federici

Caliban et la sorcière est un livre extrêmement dense et érudit. La langue utilisée est très accessible mais l’étendue du panel d’exemples et de sujets abordés pour expliquer les prémices du capitalisme peut considérablement déstabiliser le lecteur. Silvia Federici nous propose à la fois un essai d’histoire économique, d’histoire sociale, d’histoire des femmes, d’histoire rurale, d’histoire politique et réussit à mettre tous ces plans en lien avec notre système actuel. C’est prodigieux !

Pour la suivre, il peut être utile d’avoir quelques connaissances de base sur ces différents sujets. Car Silvia Federici ne se contente pas de faire une synthèse sur l’état de la société médiévale et moderne, elle revisite cet état des lieux sous l’angle féministe et marxiste. Si vous avez eu quelques vagues cours d’histoire – un jour peut-être – sur les enclosures sans en avoir saisi toute la portée, en lisant Silvia Federici vous allez comprendre comment les biens communs, les communaux, – en somme des pâturages, des champs et des forêts exploités par toute une communauté de villageois – sont devenus des biens privés, et ont ainsi privé bon nombre d’individus de ressources élémentaires et vitales jusqu’alors accessibles à tous : terres agricoles, bois de chauffage, pâturage pour les animaux, etc. Les premières impactées par cette privatisation des terres ont été les femmes, celles qui jusqu’alors n’avait pas accès à la propriété pour y cultiver leur gagne-pain. Tout le livre de S. Federici consiste à expliciter cette méticuleuse mise en place du système capitaliste puis du travail salarié en Europe et aux Amériques, et de manière collatérale, la manière dont les femmes ont été mises au ban de ce système, notamment par la déconsidération portée au travail féminin. Les soins du foyer et des enfants n’étant pas reconnus selon les lois du capitalisme – puisque non rémunérés – cela n’empêche pas pour autant que ce travail maternel contribue largement à l’effort général puisqu’il en fournit la matière première : à savoir la main d’œuvre. Ces processus de privatisation des terre, de paupérisation des masses aboutissant à des situations de pillages et de discorde au sein des communautés jusqu’alors unies forment « l’accumulation primitive » selon l’expression de Karl Marx. Silvia Federici s’attache à montrer le rôle prépondérant que joue l’asservissement des femmes dans cette accumulation

Silvia Federici englobe également dans son argumentaire les questions sur les chasses au sorcières, ces femmes savantes, soignantes, veuves, célibataires ou non-mères, puissantes en quelques sorte, car non directement soumises au pouvoir patriarcal et possiblement incriminées du jour au lendemain, torturées et assassinées sur les bûchers. La chasse aux sorcières et ses bûchers par leur caractère despotique et dissuasif se présente comme une solution radicale pour étouffer dans l’œuf toute velléité rebelle. Silvia Federici montre également qu’en tant que premières impactées par les réformes capitalistes, les femmes étaient également les premières à s’insurger et les premières aussi à subir les répressions.

Selon le même processus d’accumulation primitive, les peuples colonisés ont pu être diabolisés par les colonisateurs, légitimant ainsi leur évangélisation, leur « pacification » et leur esclavagisation. Silvia Federici n’hésite pas à relever la mise en œuvre de ces processus jusque dans nos sociétés contemporaines, dans certains pays africains notamment où les terres sont en cours de privatisation à l’heure actuelle.

J’espère n’avoir pas trop abimé les idées de Silvia Federici en rédigeant ce court résumé de ce monumental essai, et je ne peux que vous encourager fortement à le lire, le méditer, le laisser décanter, y revenir, le cogiter, le critiquer, etc.


Caliban et la sorcière : femmes, corps et accumulation primitive – Silvia Federici
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par le collectif Senonevero,
traduction revue et corrigée par Julien Guazzini
Entremonde Senonevero, 2014
première publication : 2004


 

La jalousie – Marie-France Patti

La découverte de cet ouvrage est en premier lieu, pour moi, la découverte d’une collection : Psy pour tous des Editions in Press. Dirigée par le psychanalyste Gérard Bonnet, la collection Psy pour tous accueille des ouvrages dont le but – semble-t-il – est de rendre accessible et compréhensible par tous des notions de psychologie souvent complexes. La jalousie : métamorphose de l’envie de Marie-France Patti en est un exemple. Ce livre est nettement plus sérieux que bon nombre d’ouvrages de développement personnel et beaucoup plus synthétique et facile d’accès que la littérature grise spécialisée en psychologie.
L’ouvrage commence par illustrer ce qu’est la jalousie en rapportant des scènes que nous avons tous vécues ou dont nous avons été témoins dans nos vie. Il dédramatise ainsi une émotion souvent mal perçue.  L’autrice s’attache ensuite à définir la jalousie, puis l’envie et enfin la manière dont les deux émotions s’articulent :
p. 37 : « La définition de la jalousie devient évidente dans la relation amoureuse. Elle rassemble bien les deux registres, celui de la possession de l’objet, et en même temps, le désir de sa conservation pour soi. La jalousie se réveille dès qu’une menace de perdre l’objet se profile à l’horizon. Elle est donc tournée à la fois vers l’objet  et vers le rival qui incarne la menace. Elle convoque le désir, l’angoisse de perdre, et est la source d’une souffrance liée au narcissisme blessé. »
p. 41 en citant Spinoza :  » L’envie, au contraire, est « la haine en tant qu’elle affecte l’homme de sort qu’il soit attristé du bonheur d’autrui et se réjouisse au contraire du malheur d’autrui ». Il s’agit donc de déposséder l’autre de ce qu’il a. Le plus important n’est pas de s’approprier l’objet convoité mais de le soustraire à l’autre, afin de lui ôter la jouissance de l’objet en question. Le but de l’envie est donc de détruire le bonheur de l’autre. »
Globalement, l’ouvrage se présente bien plus comme une synthèse que comme un essai : il présente les définitions proposées par les grands dictionnaires et par les pontes de la psychanalyse (Sigmund Freud, Mélanie Klein, Jacques Lacan). En ce sens, sa présentation se veut objective. A vrai dire, j’ai très vite décroché sur ces points. Le complexe d’Œdipe, quand bien même il serait revu et réactualisé, heurte de plus en plus mon âme féministe. Marie-France Patti se charge tout de même de rassembler les trois théories présentées dans un ensemble logique qui explique l’évolution de l’envie mortifère vers une jalousie davantage positive car chargée d’un désir notamment amoureux, le désir étant vecteur de vie. L’autrice rapporte ensuite un exemple plutôt cocasse que je ne peux m’empêcher de retranscrire :
p. 118 : « L’exemple de la Société Psychanalytique est pareillement parlant. La jalousie a été peu élaborée sur le plan théorique. Pourtant elle a fait rage parmi les disciples de Freud et a continué dans toute l’histoire du mouvement psychanalytique. En témoigne le nombre de conflits, de scissions, d’exclusions. Ils ont commencé déjà du temps de Freud, mais tant que le maître (le Père) était là, il y avait un semblant de fraternité. Le Père maintenait la Loi. Après la mort de Freud la lutte fratricide s’est déchaînée. A commencer par Anna Freud et Mélanie Klein. Le même scénario s’est répété à la mort d’un autre maître, Lacan. Des querelles théoriques existent dans toutes les chapelles, mais dans l’histoire du mouvement psychanalytique, ces oppositions se sont transformées en lutte fratricide sans merci. Toute vie collective implique la répression des pulsions sexuelles et agressives, mais même si elles sont sublimées ou réprimées, elles sont toujours actives et doivent s’exprimer dans le groupe, entre les membres ou contre le pouvoir. Toute institution recrée le modèle familial avec la loi du Père et les frères obligés de vivre ensemble et de se partager l’espace, le temps et l’amour. Ils acceptent de le faire à condition d’avoir la même part du gâteau. Et ils ne peuvent le faire que s’ils se reconnaissent entre eux, et ont un idéal à partager. C’est par le vecteur de la jalousie ou de l’envie que l’agressivité trouve une issue. »
Après cet exemple probant, Marie-France Patti développe rapidement les impasses à la fraternité à travers deux concepts que sont la « frérocité » qui veut que tout groupe se construise en opposition à un autre ou en se déchargeant d’un bouc émissaire, et « le complexe de Caïn », une sorte de péché originel qui se nicherait dans la jalousie/l’envie fraternelle. Elle propose ensuite des solutions pour combattre cette jalousie (déjà issue d’une évolution positive de l’envie et vecteur d’amour et de désir). Cette partie est de loin la plus intéressante du livre. Sans tomber dans les techniques classiques de développement personnel, elle ouvre succinctement mais efficacement des axes de réflexion pour tout un chacun. Ces solutions sont : le pardon, l’empathie,la sublimation par l’art, et la loi. Ces quelques pages rationnelles et objectives – comme l’ensemble du livre – sont sublimes de bon sens et d’espoir pour la suite.
L’ouvrage se termine par des exemples de sublimation de la jalousie et de l’envie dans la littérature, la mythologie et le théâtre, et par une courte conclusion  résumant l’ouvrage.
Cette lecture est une très belle découverte pour ma part. J’ai très envie de lire les autres ouvrages de la collection. C’est aussi un très bon moyen de s’informer sur la psychologie et sur les émotions sans passer par des lectures douteuses sur le développement personnel.
Un très grand merci aux Editions In Press et à Babelio pour l’envoi de cet ouvrage !

La jalousie : métamorphose de l’envie – Marie-France Patti
In Press, 2018, 180 p.

Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes – Gloria Steinem

Gloria Steinem est une journaliste féministe américaine née en 1934 à Toledo dans l’état de l’Ohio. Elle est une des figures de proue du féminisme de la seconde vague qui prend sa source dans les années 1960. En 1971, elle publie  en collaboration avec Dorothy Pitman Hughes le premier numéro du magazine féministe Ms., à prononcer Mizz. Ni Miss (mademoiselle), ni Mrs (madame),  Ms. a été fondée avec l’ambition assumée de créer un magazine à destination des femmes, ce qui faisait cruellement défaut dans les kiosques à cette époque.
Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes est une compilation de 26 textes de Gloria Steinem publiés aux Etats-Unis entre 1963 et 1982 dans divers journaux. En 1983, ces textes ont été rassemblés pour la première fois et diffusés par Rinehart and Winston. Il faudra attendre 2018 pour que les éditions du Portrait se charge de leur traduction en français et de leur diffusion dans nos contrées.
Les articles de Gloria Steinem sont marqués par une forme de subjectivité affirmée propice à l’engagement politique. L’autrice puise tout autant dans son expérience personnelle, que dans celle de ses proches ou de figures politiques en vue ; le combat féministe nécessite cet aller-retour entre le politique et l’intime. Un grand nombre de sujets sont passés au crible du regard acéré de Gloria Steinem : la place des femmes en politique, dans le monde du travail (en particulier le journalisme), dans les universités, au foyer, dans les showrooms de Playboy, dans les textes, au cinéma notamment érotique et pornographique, le rôle des mères aussi. Gloria Steinem dresse ensuite le portrait intime de cinq femmes de renommée publique et leur rapport à l’identité féminine : Marilyn Monroe, Patricia Nixon, Linda Lovelace, Jackie Kennedy et Alice Walker. Victimes de leur sex appeal, entièrement niées dans leur identité propre parce que « femme de », ou au contraires adepte de la révolution permanente dans leur engagement têtu à défendre leurs idées propres dans une société qui voudrait leur assigner nombre d’autres étiquettes, ces cinq femmes constituent à leur manière des modèles à suivre ou des symboles à déconstruire pour mieux réinventer les modèles féminins de demain.
Gloria Steinem n’hésite pas non plus à donner encore de la matière à lutter en faisant le point sur les combats en cours et en rappelant que les acquis d’aujourd’hui ne se sont pas faits sans heurts violents : des mutilations génitales aux insultes nazies en réponse au droit à l’avortement, les attaques contre les femmes partout dans le monde sont toujours extrêmement agressives physiquement et psychologiquement.
Gloria Steinem, et c’est là son génie, donne également matière à rêver en énonçant ce que le monde pourrait être si les femmes y tenaient toute la place qui leur revient de droit, et matière à rire en imaginant par exemple le monde si les hommes avaient leurs règles tous les mois… fou rire garanti mesdames, et c’est tellement juste !
En bref, Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes est de toute évidence un livre incontournable de la littérature féministe, doublé d’un véritable plaisir de lecture !
Ce billet est publié dans le cadre du FeminiBooks Challenge initié par Opalyne et actuellement en cours sur Facebook et Twitter. Chaque jour du mois de mars, des internautes partagent sur leur blog ou sur leur chaîne Youtube leur lecture féministe.
Le challenge  a débuté hier vendredi 1er mars sur les Carnets d’Opalyne et sur La page qui marque . Il se poursuit demain sur The purrfect books right meow  et  chez La geekosophe
Pour aujourd’hui, je vous recommande un Tête à tête avec ma binôme youtubeuse du jour 😉
Actions scandaleuses et rébellions quotidiennes – Gloria Steinem
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Mona de Pracontal, Alexandre Lassalle, Laurence Richard et Hélène Cohen ; préface d’Emma Watson
Les Editions du Potrait, 2018, 426 p.
Première publication : 1983

Rêver l’obscur : femmes, magie et politique – Starhawk

Starhawk est une militante américaine contemporaine, féministe, écologiste, pacifiste et altermondialiste. Au premier abord, sa personnalité m’a semblé plutôt farfelue, je dois bien l’admettre. Une « sorcière néo-païenne » nous dit Cambourakis sur la quatrième de couverture de Rêver l’obscur, sérieusement ? Quoiqu’il en soit, la dame fait preuve d’un engagement politique tel qu’il serait malvenu de ne pas s’attarder un petit peu sur ses écrits.
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Rêver l’obscur : femmes, magie et politique rassemble les idées principales de l’autrice dans un format que j’ai trouvé pour ma part assez déstabilisant et éloigné des écrits académiques traditionnels. On y parle de divinités, de magie, de pouvoir-sur et de pouvoir-du-dedans, de rituels à réinventer, de peur à exorciser et de futur à créer. Sous ces faux airs de science-fiction ou de récits fantastiques, les propos de Starhawk sont pourtant rationnels et fondés sur une véritable expérience pratique des rassemblements de militants. Publié pour la première fois en 1982, bien avant la vague de publications sur le développement personnel que nous connaissons actuellement, Starhawk théorise la communication au sein de petits groupes d’humains. Elle observe les manières dont chacun prend la parole et apporte des conseils pour réguler les prises de paroles de façon bienveillante dans le but de faire avancer un groupe dans son ensemble, de faire émerger de nouvelles idées politiques et d’organiser leur mise en pratique. Cette gestion du groupe passe notamment par l’organisation de rituels précisément détaillés par Starhawk.

La magie et la circulation de l’énergie sont mis au centre de la pensée et de la pratique de Starhawk. Les rituels ont notamment pour but de capter l’énergie reliée à la Terre. Pour définir cette énergie, Starhawk s’appuient sur les traditions chinoise (ch’i), indienne (prana) ou encore hawaïenne (mana). La magie, quant à elle, est décrite très rationnellement comme le pouvoir résultant de la vérité, la sincérité, le dire-vrai, le bon usage du langage. La formulation des peurs est présentée comme le meilleur moyen d’en venir à bout, et surtout la formulation des rêves est la première étape nécessaire à leurs réalisations. Qui n’ose pas rêver un monde meilleur n’obtiendra rien de meilleur. D’où l’intérêt par exemple d’une science-fiction qui mettrait à l’honneur des héroïnes puissantes et indépendantes, ou de manière générale qui proposerait d’autres modèles de société.

Je suis souvent restée perplexe en lisant les écrits de Starhawk, j’ai plus souvent encore été surprise et intriguée. Ce livre m’a rendu plus curieuse, plus militante, plus confiante aussi. Rêver l’obscur m’a surtout incitée à m’engager personnellement dans la réflexion, à me faire ma propre opinion, à engager une action après l’autre pour faire évoluer les mentalités et notre société, petit pas par petit pas, et de petit groupe en petit groupe, une idée entrainant l’autre…


Rêver l’obscur : femmes, magie et politique – Starhawk
traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Morbic
Cambourakis, 2015, 380 p.

Titre original : Dreaming the dark. Magic, sex & politics, 1982


Le sacré – Rudolf Otto


2127871280J’attendais beaucoup de ce livre. Sans doute quelque chose de l’ordre d’une révélation. Une définition de ce après quoi je cours. Et je l’ai lu finalement comme j’aurais lu un livre dans une langue étrangère que je ne maîtrise pas. Le sacré m’est resté impénétrable. La philosophie en général m’est inaccessible, et la philosophie religieuse n’a pas fait exception.

Je veux tenter de retenir quelques éléments de définition du numineux tel que le qualifie Rudolf Otto. Le mysterium tremendum dans un premier temps, autrement nommé « le mystère qui fait frissonner » ou l’effroi mystique, la « frayeur de Dieu » largement relayée par l’Ancien Testament notamment. Le mystère est aussi le « tout autre ». En tête de chapitre, Rudolf Otto cite sur ce point Tersteegen : « Un dieu compris n’est pas un dieu ».
La majestas ensuite, l’absolue supériorité de puissance. Et l’énergie finalement : « il se fait sentir d’une manière particulièrement vive dans l’orgè ; c’est à lui que se rapportent les expressions symboliques de vie, de passion, de sensibilité, de volonté, de force, de mouvement, d’excitation, d’impulsion » . L’orgè signifiant la colère divine, je ne peux m’empêcher de faire le lien avec Shakti, qui d’énergie deviendra bientôt la déesse terrifiante par excellence, créatrice et destructrice. Particulièrement présent dans le mysticisme de l’amour selon Rudolf Otto, cet élément me renvoie d’autant plus au tantrisme des shakta.
A ces trois éléments qui relèvent de la forme du numineux, Rudolf Otto y ajoute comme qualificatif le fascinant, fascinans. Autrement dit, le sacré effraye et fascine à la fois.Une autre caractéristique est « l’énorme », au sens d’épouvantable ou sinistre, maléfique et imposant, puissant et étrange, surprenant et admirable, donnant le frisson et fascinant, divin et démoniaque, et « énergique ». Pour chacune de ces caractéristiques, Rudolf Otto s’appuie sur les textes bibliques et sur les philosophes qui l’ont précédé, de Sophocle à Schleiermacher.

Je ne note rien de la suite de l’essai, je n’en ai rien retenu mis à part un court chapitre sur la manifestation du sacré dans l’art, qui se caractérise alors par le sublime et le grandiose, le geste noble, dont le sentiment du solennel existe depuis l’érection des premiers mégalithes (premières œuvres architecturales). Rudolf Otto souligne que l’on utilise volontiers le terme de « magique » pour certaines œuvres d’arts décoratifs notamment. Le numineux s’associe alors parfois au sublime et dépasse le magique – l’auteur prend pour exemple des statues du Bouddha, la peinture paysagiste et la peinture sacrée des dynasties Tang et Sung en Chine, le gothique en Occident.
Selon Rudolf Otto, l’art est un moyen indirect d’accéder au sacré. En Occident, les deux moyens d’accès directs au sacré sont l’obscurité et le silence. R. Otto cite ensuite le vide spacieux (le désert) comme moyen d’accès direct au sacré, et se réfère à l’architecture et à la peinture chinoises qui savent laisser place au vide dans leurs œuvres.
L’auteur s’attache ensuite à la musique et souligne que l’élément musical le plus sacré est le silence absolu et prolongé.

Il est difficile de ne pas noter le parti pris de Rudolf Otto à la fois dans ses exemples d’art sacré – il ne justifie pas vraiment ce qui distingue la présence du sacré du goût personnel, mis à part le sentiment intime (et inexprimable) qui en résulte. Et surtout à maintes reprises dans l’ouvrage, le christianisme est explicitement cité comme la religion spirituellement supérieure à toutes les autres. Pour un homme qui a consacré sa vie à travailler en parallèle sur les religions asiatiques et occidentales – il a publié par ailleurs Mystique d’Orient et mystique d’Occident – cette apologie chrétienne a eu tendance à m’agacer. [Nota Bene : si l’éditeur le présente comme philosophe, il n’en est pas moins théologien luthérien]

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Extraits :

C’est une loi fondamentale et bien connue de la psychologie que les idées « s’attirent », que l’une excite l’autre et la fait apparaître dans la conscience, si cette autre lui ressemble. Une loi semblable vaut pour les sentiments. Un sentiment peut également faire entrer en vibration un sentiment similaire et me le faire éprouver en même temps. Bien plus, de même que, d’après la loi d’attraction, il se produit, en vertu de la ressemblance, des substitutions d’idées, de telle sorte que l’idée x prend dans mon esprit la place que l’idée y correspondrait exactement. Enfin je puis passer d’un sentiment à un autre et cela par une transition graduelle et imperceptible, par le fait que le sentiment x s’éteint peu à peu, à mesure que le sentiment y, suscité en même temps, croît et augmente d’intensité. Mais en ce cas, ce qui « passe », ce n’est pas en réalité le sentiment lui-même. Ce ,n’est pas lui qui change peu à peu de qualité ou qui « évolue », à vrai dire, qui se transforme en un sentiment tout différent ; c’est moi qui passe d’un sentiment à un autre, d’un état à un autre, par le déclin graduel de l’un et le progrès de l’autre. Le sentiment lui-même ne se transforme pas ; ce serait là une véritable métamorphose, semblable à la transmutation des métaux en or, ce serait une alchimie psychologique.

Comment pourrons-nous arriver à faire nous aussi l’expérience qui consiste à découvrir , dans la personne du Christ, la manifestation du sacré ?
De toute évidence, ce ne sera pas par la voie de la démonstration, au moyen de preuves, d’après une règle ou suivant des concepts. Nous ne pouvons indiquer ici de caractères conceptuels qui se prêteraient à cette forme de raisonnement : « Quand les éléments x + y sont présents, il y a révélation. » C’est précisément pour cette raison que nous parlons de divination et d’appréhension intuitive. Ce ne sera que par la voie de la contemplation dans laquelle notre âme s’ouvre et s’abandonne à la pure impression de l’objet.

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Présentation des idées de Rudolf Otto issue du catalogue d’exposition Au-delà des étoiles : le paysage mystique de Monet à Kandinsky, p. 58 :

Dans les années 1920, le philosophe allemand Rudolf Otto s’est intéressé à la phénoménologie des rencontres avec l’ « Autre sacré », rencontres qui semblent se distinguer quelque peu de l’expérience mystique. Pour lui, le sentiment du sacré renvoie à une réalité surnaturelle, celle d’une immense force et d’une volonté (numen) qui dépasse les connotations morales et rationnelles entourant le concept. Otto décrit la réalité de ces expériences « numineuses » du sacré dans des idéogrammes analogiques qui en font quelque chose d’enchanteur et d’attirant (fascinans) et, en même temps, d’effrayant (tremendum). Ces expériences stimulent chez le sujet une conscience renforcée de son état de créature. Le sacré provoque naturellement l’adoration (majestas) tout en restant un sentiment extraordinaire, insolite, étrange et au-delà de toute compréhension (mysterium).

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Notes sur Rudolf Otto et Le Sacré extraites de Wikipédia :

Biographie
Rudolf Otto (25 septembre 1869 – 6 mars 1937) est un théologien luthérien, également universitaire en religion comparée, de nationalité allemande.
Rudolf Otto dans Le Sacré a proposé le terme de « numineux » pour qualifier cette sphère au-delà de l’éthique et du rationnel, qui se présente sous le double aspect d’un mystère effrayant et fascinant. […]

Le Sacré
L’ouvrage le plus célèbre d’Otto, Le Sacré, publié en 1917 sous le titre allemand Das Heilige – Über das Irrationale in der Idee des Göttlichen und sein Verhältnis zum Rationalen (Du sacré – Sur l’irrationnel des idées du divin et de leur relation au rationnel). Il s’agit de l’un des plus grands succès de la littérature théologique allemande du xxe siècle. L’ouvrage a en effet toujours été réédité, et existe actuellement en plus de 20 langues. Otto y définit le concept de « sacré » comme étant numineux, notion qui fait référence à une « expérience non-rationnelle, se passant des sens ou des sentiments et dont l’objet premier et immédiat se trouve en dehors du soi ». Otto crée ce nouveau concept depuis le latin « numen » faisant référence à la divinité. Le numineux est ainsi un mystère ( mysterium), à la fois terrifiant (tremendum) et fascinant (fascinans). Otto propose ainsi un paradigme pour l’étude des religions, se focalisant sur le besoin de réaliser le sentiment religieux, considéré comme non réductible et comme une catégorie en soi. Objet de multiples critiques survenues en 1950 et 1990, le paradigme d’Otto revient sur le devant de la scène avec la philosophie phénoménologique qui, par certains aspects, s’en rapproche.

Influence
Otto a eu une profonde influence sur la théologie et la philosophie des religions, dans la première moitié du xxe siècle. Le théologien américain et allemand Paul Tillich reconnaît son influence sur ses travaux, ainsi que l’anthropologue roumain Mircea Eliade qui utilise les concepts exposés dans Le Sacré dans son ouvrage de 1957, Le sacré et le profane. Son élève, Gustav Mensching (1901-1978), a par ailleurs continué sa pensée. C. S. Lewis reconnaît aussi l’apport d’Otto, notamment dans son étude du « problème de la souffrance » en théologie. D’autres personnalités peuvent enfin être citées, telles : Martin Heidegger, Leo Strauss, John A. Sanford, Hans-Georg Gadamer, Max Scheler, Ernst Jünger, Joseph Needham, Hans Jonas ou encore Carl Gustav Jung qui reprend le concept de « numineux » en psychologie.


Le sacré : l’élément non rationnel dans l’idée du divin et sa relation avec le rationnel – Rudolf Otto
Traduit de l’allemand par André Jundt

Petite bibliothèque Payot, 2015, 285 p.
Traduction française : Payot, 1949
Première publication : Das Heilige : ûber das Irrationale in der Idee des Göttlichen und sein Verhältnis zum Rationalen, 1917


Le monde de Sophie – Jostein Gaarder

Le-Monde-de-SophieLe monde de Sophie est un ouvrage de vulgarisation de la pensée philosophique depuis les présocratiques jusqu’à Sartre. A destination des adolescents, l’ouvrage est extrêmement accessible et permet de se faire une idée de l’évolution de la pensée humaine sur près de trois millénaires. Il invite également le lecteur à exercer sa propre pensée critique et à se positionner lui-même comme le résultat d’une longue histoire et d’une réflexion qui n’a pas fini de se transformer.

Jostein Gaarder insiste notamment sur le peu de reconnaissance des femmes philosophes au cours de l’histoire. Elle rappelle que Sophia signifie la sagesse et est perçue comme une entité féminine chez les grecs. L’auteur rappelle volontiers l’existence de Hildegarde de Bingen, nonne et mystique médiévale et rare femme reconnue par l’Eglise en tant que théologienne. Sophie et Hilde sont par ailleurs deux des personnages principaux de l’histoire, ces deux fillettes découvrent l’histoire de la philosophie en même temps que le lecteur dans une magnifique mise en abyme qui pousse encore d’avantage à la réflexion. En abordant le XXème siècle, Jostein Gaarder ne manque pas de citer également Simone de Beauvoir pour son ouvrage Le deuxième sexe. Le résumé qu’elle en fait me laisse un peu perplexe. En niant l’existence d’une nature genrée des êtres humains, je crains qu’elle ne jette le bébé avec l’eau du bain. Quoiqu’il en soit, son raisonnement fait figure de référence, et il est certain que la femme-sacrée ou la femme-objet ne sont en aucun cas des situations acceptables et vivables dans une société équilibrée. Je n’avais pas aimé l’autobiographie de Simone de Beauvoir et rechignait pour cette raison à lire Le deuxième sexe. Pourtant, si la question féminine continue de me tarauder il faudra bien que j’y jette un œil attentif.

J’ai dévoré Le monde de Sophie. Je l’ai lu comme une adolescente qui aurait tout à apprendre de la vie. J’ai espéré y trouver une réponse qui n’a pas lieu d’y être, et en suis ressorti dépitée, seule et abandonnée. Je n’ai pas compris la fin ou n’est pas voulu la comprendre. Que reste-t-il après les philosophes de l’absurde ? La nécessité de redonner toute sa place à l’esprit et à l’imagination pour les laisser nous guider vers l’avant en suivant ses impulsions. Finalement, j’ai compris.

Par moment, en lisant, j’ai cru être Marina. Le livre lui appartient. C’était une impression désagréable. Le style du livre n’est pas terrible en soi et j’ai eu le sentiment d’être infantilisée. Cela ne me dérangerait peut-être pas autant si j’avais eu véritablement réglé mes comptes avec l’enfance.

J’ai pensé que le passage sur les romantiques m’attireraient d’avantage. Finalement, Jostein Gaarder les présente comme des adolescents qui, passés trente ans, sont morts ou ont perdu leurs illusions. J’avais peut-être quelque chose à voir avec les romantiques avant trente ans, maintenant c’est fini semble-t-il. Je n’ai ressenti aucune forme d’attirance pour leur monde idéalisé. D’ailleurs, je confondais les romantiques avec Victor Hugo et si je leur emprunte le goût de l’Orient, il est bien possible que mon attirance s’arrête là. Je regrette presque – mais ce n’était pas le sujet – que les courants artistiques ne soient pas plus développés dans le roman. Certains le sont lorsqu’ils accompagnent des pensées philosophiques de grande ampleur telle que la Renaissance, l’hellénisme ou le romantisme. J’aimerais maintenant en savoir plus sur les symbolistes, les impressionnistes, l’art moderne… là je suis inspirée par la lecture du catalogue d’exposition Au delà des étoiles.

Le monde de Sophie offre un background philosophique utile et nécessaire au lecteur qui voudrait apprendre à penser par lui-même, tout en lui permettant de se situer dans l’histoire au sens large. Il offre également – pour qui le souhaiterait – une opportunité de découvrir et approfondir l’un ou l’autre courant en fonction de ses affinités.


Le monde de Sophie : roman sur l’histoire de la philosophie – Jostein Gaarder
traduit et adapté du norvégien par Hélène Hervieu et Martine Laffon
Editions du Seuil, 1995, 624 p.
Première publication : Sofies verden, 1991