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Soundtrack – Hideo Furukawa

1540-1Ce pavé là m’a été offert l’an dernier pour mon anniversaire. Je vous l’annonce tout de go, c’est une pépite… en forme de pavé. Autrement dit un lingot !

Soundtrack débute sur une île vierge au large du Japon. Deux enfants s’y sont retrouvés abandonnés, embarqués par les aléas de la vie. Ils y passent quelques années, vivant de ce que la nature leur prodigue, puis sont subitement ramenés à la civilisation. Sous l’ère Furukawa, le Japon est ravagé par le réchauffement climatique, les bas-fonds de Tokyo sont l’objet d’un minutieux portrait entre prostituées, hôpital des masses populaires, enfants des rues, corbeaux, cinéma, mafia… La petite bourgeoisie et ses écoles privée pour demoiselles n’est pas en reste. Les adolescents tracent leur vie sans oublier leur nature sauvage, leur rage, leur exception. Les rencontres improbables et fabuleuses se multiplient et la révolution gronde. Je n’ébauche qu’une infime partie des multiples pistes suivies par l’auteur, je vous en tais volontairement bien d’autres. Dans ce roman futuriste dont la musique est l’un des piliers, la vie, l’avenir et l’espoir ne sont pas en reste face à l’apocalypse imminente !

Ce roman m’a fait l’effet d’une énorme poussée vers l’avant, une bouffée de vie préservée aux enfers et débarquant par miracle dans un monde en ruines. Hideo Furukawa nous conte un avenir possible pour une planète ravagée par la pollution, la corruption et l’argent. Il invoque l’art, la nature, la rage, l’amitié, le mouvement, et crée une chimère à laquelle les hommes peuvent croire, enfin !

Dans le passé, sur l’île déserte de Chichijima, où Hitsujiko et Touta avaient vécu seuls, un puissant tremblement de terre provoqué par l’irruption d’un volcan sous-marin l’avait projetée en l’air. Hitsujiko n’avait jamais oublié l’expérience physique de cet instant, et depuis, elle mouvait son corps. Libérée de la pesanteur, c’était jusqu’à sa forme et sa silhouette qui s’étaient modifiées, et elle recherchait inconsciemment la réitération de cette expérience. Pour revivre cette joie pure, elle provoquait sans cesse des tremblements de terre dans son corps. A la moindre occasion, à l’intérieur d’elle-même. Mais plus maintenant. Depuis le marathon de natation, la joie qui la poussait n’était plus pure, la motivation de son désir de tremblement de terre avait changé. Elle était devenue extérieure à elle-même. Ce qui la faisait danser relevait d’une urgence indescriptible.


Soundtrack – Hideo Furukawa
traduit du japonais par Patrick Honoré
Philippe Picquier, 2015, 619 p.
Titre original : Soundtrack, 2003


Challenges concernés

Challenge Pavés 2015-2016
Challenge Multi-défis 2016  : un roman dans lequel la mer occupe une place essentielle

Soie – Alessandro Baricco & Rébecca Dautremer

ob_3fba28_soieCher Destinataire,

J’ai quelques très beaux livres dans mes étagères, les deux premiers opus des éditions Tishina en font partie. Je te parlais du premier Le soleil des Scorta ici. A l’occasion d’une rencontre avec le dessinateur Benjamin Bachelier et l’éditeur de Tishina à la librairie Vivement Dimanche, j’en avais profité pour acheter Soie revisité par Rébecca Dautremer. Je l’ai lu il y a quelques mois, il est magnifique évidemment. Les éditeurs de Tishina prennent toujours soin de sélectionner des textes qui les ont marqué, ils recherchent ensuite un dessinateur qu’ils apprécient et lui donnent carte blanche pour adapter le texte à leurs envies. S’en suit un très gros travail d’éditorialisation, de choix du papier, des couleurs, d’impression. Le produit final, aussi bien pour Soie que pour Le soleil des Scorta est toujours remarquable.

Pour en revenir à Soie, ce roman raconte l’histoire d’Hervé Joncour, il vit dans le sud de la France avec sa femme Hélène Joncour, et pour gagner sa vie il cultive les vers à soie dont il ramène les œufs du Japon. Nous sommes dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Le voyage qu’il entreprend chaque année dure plusieurs mois, et chaque voyage est l’occasion d’étranges rencontres avec le vendeur d’œufs et la femme qui l’accompagne. Je ne sais pas, cher Destinataire, si tu as déjà lu un roman d’Alessandro Baricco. Son écriture est très particulière : par exemple, j’avais lu Océan mer sur les conseils de mon amie Cyve, c’était la première fois que je lisais un roman aussi halluciné, déconnecté de la réalité, dans mon souvenir il est comme flottant hors du temps humain. Soie est un peu plus réaliste, mais j’y retrouve cette distance : le protagoniste observe sa vie, il vit des aventures remarquables pour son époque et ne semble pas s’en soucier, il est parfois surpris ou intrigué, mais se pose finalement toujours en observateur. Je trouve l’effet produit extrêmement apaisant.

soie-film-5328Je me demande tout de même comment j’aurais vécu ce livre, si je ne l’avais pas lu à travers l’interprétation de Rébecca Dautremer. Son empreinte est si forte ! Rien que la couverture avec l’homme japonais tatoué nous entraîne déjà très loin du sud de la France, je crois que si j’avais lu ce roman « seule », le Japon ne m’aurait pas autant marqué. Et puis je me demande comment j’aurais compris Hélène, est-ce que je me serais identifiée à elle ? Est-ce que j’aurais essayé de la comprendre ? Je l’ai sentie tellement secondaire, soumise et discrète, dans le dessin de Dautremer, contrairement au film réalisé en 2007 par François Girard, que j’ai vu dans la foulée et dans lequel elle tient le premier rôle, belle et affirmée, face à un Hervé Joncour beaucoup plus effacé. L’association du coup de crayon de Rébecca Dautremer et de la plume d’Alessandro Baricco apporte également une touche érotique à l’ensemble qui n’est pas non plus pour me déplaire. Je ne me souviens pas que cette dimension ait été aussi présente dans le film – mais je ne me souviens jamais des films. Décidément, si j’ai adoré ce récit, cette lecture illustrée m’interroge bien d’avantage sur les différentes interprétations possibles.

Je me dis aussi, qu’il faudra que je lise les autres romans d’Alessandro Baricco, quel auteur étonnant ! L’as-tu déjà lu ?

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Soie – Alessandro Baricco et Rébecca Dautremer, traduit de l’italien par Françoise Brun
Tishina, 2012
Première traduction française : Albin Michel, 1997
Première publication : Seta, 1996


Challenges concernés 

Challenge Multi-défis 2016 : Un livre avec une usurpation d’identité

Les belles endormies – Yasunari Kawabata

Mon amie Rita me prête ce livre que nous avion acheté ensemble il y a déjà plusieurs mois au Salon de l’Asie. Elle le qualifie d’ « étrange » et refuse de m’en dire plus. Il faut dire que la quatrième de couverture mentionnant la « quête des vieillards en mal de plaisirs » ne me fait pas rêver. Mon amie aurait-elle des tendances érotico-gérontophile ? Et mon libraire préféré de surenchérir – à propos de Kawabata et non de la gérontophilie – que l’auteur est un incontournable de la littérature japonaise et que Les belles endormies est un très beau roman – mais pas aussi beau que Pays de neige du même auteur etc… mon libraire, quand il commence, on ne l’arrête plus.

Un peu perplexe quant à cet engouement collectif pour la sexualité des anciens, j’ouvre ce livre en cinq actes et me plonge dans l’écriture de Kawabata. Car Kawabata a du style, c’est indéniable. Ses longues phrases souples et travaillées m’entraînent sur les pas du vieil Eguchi, dans l’antre des Belles Endormies. Et je me surprends à le suivre volontiers dans cette masure exposée aux vents et au bruit des vagues, dans cette délicate aventure entre sensualité et souvenir de jeunesse. Tour à tour, il rencontre six jeunes filles dans la chambre aux rideaux cramoisis, toutes particulières et chacune différente dans son sommeil. Je ne peux vous en dire beaucoup plus au risque de briser cette étrangeté propre au récit – et peut-être à son auteur…

« Quand la main du vieil Eguchi se retira de dessous la nuque de la fille, elle tourna doucement le visage, les épaules suivirent le mouvement et elle s’étendit sur le dos. Eguchi crut qu’elle allait s’éveiller, et il s’en tint écarté. Le nez et les lèvres de la fille, dirigés vers le haut, baignés dans la lumière du plafond, avaient l’éclat de la jeunesse. Elle souleva la main gauche et la porta à la bouche. Il semblait qu’elle allait sucer son index, à croire que c’était une habitude qu’elle avait en dormant, mais elle ne fit que l’appuyer légèrement sur ses lèvres. »

Les Belles Endormies est le premier roman que je lis de Yasunari Kawabata et je suis maintenant très curieuse de découvrir les autres, à commencer par La beauté, tôt vouée à se défaire que j’avais rapporté de ce même Salon de l’Asie où Rita m’accompagnait, et Pays de neige envoûtée que je suis par mon libraire…


Les belles endormies – Yasunari Kawabata, traduit du japonais par René Sieffert
Le Livre de poche, 1982
Première publication : 1966
Première traduction en français : Albin Michel, 1970


Challenge concerné

Undercurrent – Tetsuya Toyoda

J’ai découvert ce manga sur Bookerdose, le blog d’Alison. Elle nous y faisait part de sa déception mais je suis têtue. J’ai d’emblée flashé sur la couverture et décidé de l’emprunter. L’univers du manga m’est quasiment inconnu, c’est une découverte complète pour moi. A tel point que j’avais oublié qu’à l’intérieur du livre les planches sont en noir et blanc ce qui m’a un peu frustré au premier abord – par chance, je me suis souvenu que les mangas se lisent de droite à gauche, c’est déjà ça.

Immédiatement, j’ai adhéré au coup de crayon de l’auteur – fin et lisse, comme le souligne Alison – et surtout à sa capacité d’exprimer la mélancolie, voire la tristesse sur les visages de ses personnages. Cette ambiance très marquée est présente quasiment jusqu’à la fin de l’ouvrage – quelques sourires apparaissent ça et là et n’en sont que plus précieux, ils traduisent la complicité qui se tissent progressivement entre les personnages.

Si Alison a trouvé l’histoire et les personnages peu fouillés, de mon côté, en revanche, j’ai apprécié cette douce mise à distance et ce mystère planant en permanence sur les différents protagonistes. Je rejoins tout de même Alison sur sa déception quant au déroulé narratif – et la fin qui me laisse… sur ma faim. Deux histoires se mêlent l’une à l’autre : la disparition subite du mari de Kanae et l’arrivée de l’employé des bains dans la maison de famille, Hori. Toutefois, à mon sens, elles ne se rejoignent jamais tout à fait – à moins que j’ai loupé un élément clé de l’affaire – et je ne comprends pas vraiment où l’auteur a voulu en venir.

Undercurrent reste toutefois une oeuvre à découvrir par son ambiance inimitable et je remercie sincèrement Alison pour cette plongée dans l’univers du manga. Pour lire son avis, c’est ici !

Challenge concerné
(cliquez sur les images pour les détails)

La pierre et le sabre – Eiji Yoshikawa

La Pierre et le Sabre – Eiji Yoshikawa

Voilà bien longtemps que je n’ai rien écrit ici…Le retour des jours gris et moroses de l’automne m’incite à reprendre le clavier (faute de plume). Ce n’est pas parce que je n’écris pas, que je ne lis pas.

D’humeur samouraï, en ce moment je consacre mon temps libre à la lecture des oeuvres d’Eiji Yoshikawa, auteur renommé au Japon, je découvre les classiques du Pays du Soleil Levant… Un voyage qui s’accorde bien avec ma volonté de m’impliquer plus sérieusement dans la pratique de l’aïkido…D’humeur samouraï, je disais donc…Plus que l’envie de trancher des têtes, c’est la Voie du sabre et des arts martiaux qui m’interpelle, au même titre que la Voie bouddhiste ou celle de Shakti, il y a quelques années…Enfin celle-là, je compte bien la suivre pendant quelques années (décennies ?) . Elle a l’avantage de pouvoir se pratiquer régulièrement en club et de permettre une évolution concrète sur un tatami…Parce que les livres, c’est bien…mais ça ne fait pas tout…

La pierre et le sabre, je disais donc ? Le récit de la vie du jeune Miyamoto Musashi engagé sur la Voie du Sabre…D’abord intéressé par le combat, il s’aventurera bientôt (dans le volume 2 : La parfaite lumière) sur la Voie de la sagesse. Il surmontera de multiples péripéties, fera de plus ou moins belles rencontres…Roman d’aventure sur fond d’histoire d’amour et de récit initiatique…J’adore ! Voilà une histoire dans laquelle on se plonge facilement les jours de grisaille…