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Le poids de la neige – Christian Guay-Poliquin

9782924519295_originalNous sommes dans un village isolé, dans une région froide. L’électricité a été coupé depuis plusieurs mois pour des raisons inconnues et l’hiver est là. Le narrateur a été grièvement blessé dans un accident de voiture dans lequel il a perdu son père. Il est confié au bon soin de Matthias, un bonhomme parfois acariâtre qui ne pense qu’à quitter la vieille maison qu’il squatte pour rejoindre sa femme mourante à l’hospice. S’il n’était le poids de la neige, la pénurie d’essence, les kilomètres à parcourir dans un désert glacé…

Ce récit lent mais extrêmement magnétique m’a fortement fait penser au Mur invisible de Marlen Haushofer (encore !) : isolement, milieu montagneux, mode de vie rudimentaire, catastrophe indéfinie, point de vue interne du narrateur à la première personne, séparation des proches, attente, espérance bousculée. S’y ajoute quelques rares relations humaines qui viennent intensifier et questionner l’ensemble. Lentement, les liens entre les différents protagonistes se tissent, se resserrent, se desserrent au gré du quotidien précaire. Il ne se passe en acte presque rien d’important et pourtant en refermant l’ouvrage tout est dit. Le poids de la neige est un passage, une étape, un deuil achevé, un nouvel élan…
Un livre à lire, en somme. Et un auteur à suivre (pour peu qu’il s’exporte en France).

Les premières lignes pour le plaisir :

1. Le labyrinthe

Regarde. C’est un lieu plus vaste que toute vie humaine. Celui qui tente de fuir est condamné à revenir sur ses pas. Celui qui pense avancer en ligne droite trace de grands cercles concentriques. Ici, tout échappe à l’emprise des mains et du regard. Ici, l’oubli du monde extérieur est plus fort que toute mémoire. Regarde encore. Ce labyrinthe est sans issue. Il s’étend partout où se posent nos yeux. Regarde mieux. Aucun monstre, aucune bête affamée ne hante ces dédales. Mais on est pris au piège. Soit on attend que les jours et les nuits aient raison de nous. Soit on se fabrique des ailes et on s’évade par les airs.


Le poids de la neige – Christian Guay-Poliquin
La peuplade, 2016, 296 p.


Challenges concernés

Challenge multi-défis 2016 : Un livre d’un auteur québécois

La nuit des temps – René Barjavel

« Rho le Barjavel!!!!! » s’exclamait Galéa en commentaire de mon article du 3 juin dernier sur mes petites emplettes du mois. Aurais-je donc fait mouche en craquant pour ce classique de la SF déniché dans les étagères du Café des artistes ?

Le risque de me planter était, avouons-le assez faible. J’avais lu un autre Barjavel il y a déjà quelques années, Les chemins de Katmandou, dans la foulée de Flash ou le grand voyage de Charles Duchaussois – j’étais dans « ma période toxico-asiatique » 😉 . Et je me souviens avoir aimé, bien que mes souvenirs, 5 ans plus tard, soient plutôt confus.

Pour une fois, « mes petites emplettes littéraires » n’auront pas trop traînées sur ma pile-à-lire. Ni une ni deux Inganmic me propose une lecture commune pour le 28 juillet – aujourd’hui en somme – et je me plonge dans le récit… avec délice.

La nuit des temps, dans mon calendrier de lecture, faisait suite au Rivage des Syrtes de Julien Gracq. Le pari était audacieux. Epuisée par cette lecture riche, lente et à la digestion fastidieuse, me plonger dans un nouveau classique m’inquiétait un peu. Futile tourment ! Les premières lignes d’une lettre d’amour enflammée et desespérée auront eu raison de mes préjugés ; et je n’ai décroché les yeux du roman qu’à grand peine, pestant contre les tramways trop rapides (je lis dans les transports en commun), mon manque de résistance au sommeil et contre tout autre obstacle m’imposant de quitter les aires glaciaires de l’Antarctique ou l’harmonieuse compagnie d’Eléa et Païkan !

Je ne suis pas une grande lectrice de science-fiction, je ne m’adonne que très rarement à ce genre littéraire, sans doute à tord puisque j’y trouve grand plaisir – citons pour l’exemple La Horde du Contrevent d’Alain Damasio. Ces romans questionnent avec justesse nos sociétés actuelles et apportent leur lot de rêves, de réponses ou de signaux d’alarmes au lecteur emballé.


La nuit des temps – René Barjavel
Pocket, 2014, 410 p.
Première édition : 1968