Les lettres – Hadewijch d’Anvers

Quelle lubie a bien pu m’inciter à commander cette édition suisse des correspondances de Hadewijch d’Anvers, mystique flamande du XIIIème siècle ? Momentanément intriguée par le mouvement des béguines, je souhaitais en savoir plus sur ces femmes célibataires qui, sans former de vœux perpétuels, appartenaient à une communauté religieuse laïque et vivaient pieusement en obéissant à une règle monastique. Occasionnellement condamnées pour « fausse piété » et brûlées vives, l’institution catholique les autorisera quelques décennies plus tard à poursuivre l’exercice de leur foi… (les voies du Seigneur sont impénétrables – et celle de l’Histoire des plus improbables). Plutôt que de m’en tenir à une simple biographie ou autre ouvrage historique, j’entreprends de retourner à la source en lisant les textes de Hadewijch d’Anvers – traduit, le texte, mais si j’avais pu lire le moyen-néerlandais, Dieu seul sait si je n’aurais pas entrepris la V.O. – … et grand mal m’en pris. Il semble que je n’ai rien compris.

Au bas de ces lettres datées de 1220 à 1240 d’apparence douces et naïves, débordantes d’amour et de morale, se nichent les commentaires d’un certain Paul-Marie Bernard qui s’échine à faire comprendre au lecteur que s’il a cru comprendre la phrase, il se méprend totalement sur ses capacités intellectuelles. Si j’ai cru acquérir un recueil de correspondances, je me suis totalement fourvoyée sur l’objet que je tiens entre mes mains, il s’agit bien plutôt d’un commentaire théologique extrêmement ardu des lettres de la gente dame. Chaque lettre est introduite par un court résumé du traducteur et commentateur qui nous informe de ce qu’il faut comprendre de ce qui va suivre. Le procédé est, à dire vrai, assez désagréable. Le vocabulaire utilisé par Hadewijch d’Anvers est pourtant relativement simple et fluide et peut sembler assez général – les idées dispensées ayant peut-être été largement véhiculées et vulgarisées par les huit siècles d’histoire catholique qui les portent jusqu’à nous. Ces lettres m’auraient presque parues belles – quoique un peu ennuyeuses – si les notes de bas de page, souvent plus longues que les lettres, n’en faisaient pas un traité hermétique au commun des mortels.

J’en ressors avec une curiosité non rassasiée sur les béguines, et un écœurement notoire qui ne m’incite pas à creuser la question… et pourtant, quelque chose me dit que ces femmes avaient beaucoup à transmettre.


Les lettres : la perle de l’école rhéno-flamande – Hadewijch d’Anvers
traduites et présentées par Paul-Marie Bernard
Editions du Sarment, 2002


12 réflexions au sujet de « Les lettres – Hadewijch d’Anvers »

  1. Sandrine

    Les hommes se sont toujours mêlés de l’histoire de ces femmes si dérangeantes… J’ai fait mon mémoire de maîtrise d’histoire sur Marie d’Oignies, non officiellement béguine mais qui a elle aussi voulu vivre sa foi comme elle l’entendait. Il a fallu qu’un homme, Jacques de Vitry, un cardinal, se mêle d’écrire sa vie pour que l’Eglise cesse de se mêler, de soupçonner, de l’accuser. Il a fallu un homme entre elle et les autres. Mais celui-là était bénéfique : il l’a aidée par ses écrits et nous permet de la connaître encore aujourd’hui. Celui qui a croisé la route d’Hadewijch d’Anvers était peut-être plus fumeux… Mais tu n’es pas obligée de lire sa glose, tu peux te laisser porter par ses mots à elle peut-être, car à ma connaissance, il n’est pas si courant d’avoir un témoignage écrit par une de ces femmes elle-même.
    Elles étaient admirables, vraiment. Même si je ne comprends pas grand-chose à la foi, c’est un mystère pour moi, elle les a rendu fortes.

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Du coup, est-ce que tu aurais une référence (essai, biographie…) à me conseiller sur le sujet et qui serait plus digeste à lire ? C’est un sacré coup de chance pour moi que tu sois passée ici.^^
      Les lettres en tant que telles ne transmettent rien d’historique, elles se focalisent sur la foi et sur le comportement idéal d’une servante Dieu.

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  2. Sandrine

    Oh, pauvre de moi ! C’était il y a 15 ans et là tu vois, en vacances en Bretagne loin de mes bases et de mes fichiers, je suis démunie… Celui qui me vient à l’esprit, c’est bien sûr André Vauchez qui a beaucoup travaillé sur la spiritualité et les saints au Moyen Age.
    Le texte de Jacques de Vitry (Vita Sanctae Mariae Oigniacensis) m’a permis de travailler sur l’existence de pratiques religieuses respectueuses de l’Eglise sans en épouser une structure reconnue tout en n’étant pas hérétiques (les Cathares étaient notamment en ligne de mire) : c’était marcher sur un très mince fil, Jacques de Vitry croyait vraiment en Marie d’Oignies…
    Dès que je rentre, je te fournis des références bibliographiques plus précises.

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  3. Mina

    Dommage pour ces commentaires si intrusifs… Avant de lire les messages de Sandrine, je m’apprêtais à te conseiller de lire d’autres ouvrages théoriques pour revenir à ces lettres sans lire la glose ; la lecture en sera peut-être plus agréable. J’avais rencontré un problème similaire avec Dante : je suis certainement passée à côté de nombreuses références, mais ai fini par préférer me passer des notes de bas de page pour une lecture plus suivie de sa Commedia.

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  4. sous les galets

    Ah ah ah, le coup classique du commentateur qui dégoute le lecteur du texte. J’ai, je dois le dire, assez peu d’affection sur ses « historiens » qui veulent tellement expliquer la source qu’ils lui font perdre toute sa saveur. j’espère néanmoins que tu trouveras d’autres supports pour creuser la question des béguines (mais j’adore ton billet assez méchant quand même, en particulier « ce traité hermétique au commun des mortels »).
    Bonne journée

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Arf… je voulais pas non plus être méchante mais j’ai commandé ce bouquin en Suisse, le libraire a dû payer des frais de port supplémentaire, j’ai été très déçue et je n’ai rien appris… Cela dit je ne suis probablement pas le public cible des éditions du Sarment.

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  5. keisha

    Ma bibli possède ceci
    Le Miroir des âmes simples anéanties et qui seulement demeurent en vouloir et désir d’amour est un ouvrage médiéval du xiiie siècle (1295), œuvre de la mystique et poète chrétienne Marguerite Porete. Elle y traite du fonctionnement de l’Amour divin.

    et cela

    Voix de femmes au Moyen âge [Texte imprimé] : savoir, mystique, poésie, amour, sorcellerie : XIIe-XVe siècle / édition établie sous la direction de Danielle Régnier-Bohler,…

    J’ignore ce que ça vaut!

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Merci ! J’avais déjà repéré Le miroir des âmes simples mais du coup j’ai bien peur que ce ne soit pas beaucoup plus simple d’accès que les lettres de Hadewijch d’Anvers… Il faudra que je regarde si Voix de femmes m’inspire d’avantage 😉

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