[Nuit du 14 au 15 janvier 1913]

Car écrire signifie s’ouvrir jusqu’à la démesure ; l’effusion du cœur et le don de soi le plus extrême par quoi un être croit déjà se perdre dans ses rapports avec les autres êtres, et devant lesquels par conséquent il reculera toujours tant qu’il sera conscient – car chacun veut vivre aussi longtemps qu’il est vivant – , cette effusion et ce don de soi sont pour la littérature bien loin d’être suffisants. Ce qui passe de cette couche superficielle dans l’écriture – quand il n’y a pas moyen de faire autrement et que les sources profondes sont muettes – , cela est nul et s’effondre à l’instant même où un sentiment plus vrai vient ébranler ce col supérieur. C’est pourquoi on n’est jamais assez seul lorsqu’on écrit, c’est pourquoi lorsqu’on écrit il n’y a jamais assez de silence autour de vous, la nuit est encore trop peu la nuit.

Lettres à Felice – Franz Kafka

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