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Psychologie du yoga de la Kundalini – C. G. Jung – 2

Mandala de Shiva/Shakti

Voilà quelques jours que j’ai terminé ce livre. Je l’ai laissé reposer un peu…J’ai écrit quelques articles sur certains thèmes abordés notamment les cakra et le serpent. Pour un livre que j’avais du mal à aborder, finalement, j’en ai retiré pas mal de choses. J’ai eu le plaisir d’en apprendre un peu plus sur Shiva et Shakti, dignes représentations déifiés du linga et de la yoni plus anciens. J’admire cette capacité qu’a eu l’hindouisme de transformer au fil des siècles des concepts riches et complexes en divinités incontournables de son panthéon. Et j’apprécie particulièrement l’image du mandala de Shiva/Shakti développé par Jung. Shiva est le point central, le bindu, la puissance créatrice latente. Il n’est pas visible mais sa puissance est bien présente, sous-jacente. La Shakti évolue autour de lui sous la forme d’une roue, ou d’un cakra, pour reprendre les thématiques déjà abordées. Elle est l’énergie créatrice visible et matérielle…mais elle n’est qu’illusion pour les hommes, un jeu du dieu…Cette illusion est aussi nommée Maya. C.G. Jung présente Maya comme un voile tissé de nos expériences passées. De là, il part du principe que les enfants qui n’ont pas encore de passé sont particulièrement sensibles à l’inconscient collectif, thématique essentielle de la psychologie jungienne. Par conséquent, les premiers rêves des enfants présentent souvent les archétypes de l’inconscient collectif que Jung compare aux samskara, aux cycles des réincarnations, aux vies antérieures si vous préférez. Sur ce point, il écrit ces très jolies phrases :

« A vrai dire, les petits enfants sont très vieux ; ce n’est que par la suite qu’ils deviennent plus jeunes. En fait, c’est à l’âge mûr que nous sommes les plus jeunes, précisément à l’époque où nous avons – complètement ou presque – perdu le contact avec l’inconscient collectif, avec les samskara. Et nous vieillissons à nouveau lorsque nous nous remémorons ces samskara avec les années qui passent. »

La comparaison de C.G. Jung sur l’approche de la vie spirituelle en Orient et en Occident a également attiré mon attention. La pensée occidentale explique le monde en général en commençant par l’inférieur pour aller vers le supérieur, on s’appuie d’abord sur la compréhension de l’atome pour expliquer les cellules puis la vie dans son ensemble. L’occidental part de l’inconscient profond pour expliquer des maux actuels de l’individu par exemple et dirige ensuite seulement sa pensée vers l’inconscient collectif. Pour l’Indien, c’est tout l’inverse, au commencement, il y a le brahman, l’Etre suprême et supérieur. Ensuite, il s’intéresse à l’homme, et le soi profond en dernier lieu est une révélation. Ce mode de fonctionnement est totalement impensable en Occident. Sur ce point, Jung écrit à juste titre :

« Imaginez que nous commencions à expliquer le monde sous l’angle du sahasrara et lisions en guise d’introduction à notre conférence ces paroles du Védanta : « Au commencement, ce monde n’était autre que le brahman ; puisque le brahman se trouvait seul, il n’était pas déployé. Ne connaissant que lui-même, il sut : « Je suis le brahman ». Et il devint l’univers. » On nous prendrait sans doute pour des fous, ou l’on penserait à tout le moins que nous tenons une réunion destinée à ranimer la foi. Ainsi, dans la mesure où nous sommes sages et où nous vivons dans la réalité, nous commençons toujours, lorsque nous voulons décrire quelque chose, par les phénomènes de la banalité quotidienne, par la dimension pratique et concrète ».

Evidemment, c’est cette approche scientifique qui fait que Jung est reconnu comme tel en Occident et non comme un mystique de plus qui voudrait diffuser sa foi. Toutefois, je ne peux m’empêcher de penser : si aborder la vie en commençant par ses aspects subtils c’est être fou, alors tous les indiens qui fonctionnent de cette manière sont-il également fous ?? Je ne peux pas m’empêcher de me questionner sur la folie…Evidemment, en tant que Française, je partage le point de vue de C.G. Jung et j’ai besoin de concret pour établir une vérité. J’aime toutefois laisser la porte ouverte à toutes ces vérités qui n’en sont peut-être pas…et pourtant…

Pour conclure cet article, je voudrais citer ces quelques phrases de C.G. Jung sur la nécessité de garder ses distances, en tant qu’occidental, par rapport aux pratiques yogiques notamment. Je les trouve assez révélatrices sur la richesse de la culture indienne…Voici les mots de C.  G. Jung :

« Vous ne devez jamais oublier que l’Inde est un pays très particulier. L’homme primitif a vécu là-bas depuis des temps immémoriaux et s’est développé dans une parfaite continuité. Nous n’avons pas évolué, nous, dans la continuité. Au contraire, nous avons été coupé de nos racines. En outre, les indiens forment une race très différente. Ils sont aryens, certes, mais ils ont aussi subi l’influence des aborigènes dravidiens. C’est pourquoi l’on trouve quelques éléments chtoniens très anciens dans le yoga tantrique. Aussi devons nous admettre que cette philosophie yogique particulière est étrangère à notre sang même, et toute chose dont nous ferons ici l’expérience apparaîtra sous un jour entièrement différent. Nous ne devons jamais prendre ces éléments au pied de la lettre. Ce serait là une terrible erreur, car il s’agit pour nous de processus artificiels. »

Le serpent à travers les mythes

Dans Psychologie du Yoga de la Kundalini, C. G. Jung fait plusieurs fois référence au serpent dans la mythologie. Tout d’abord dans la mythologie tantrique :  le yoga de la Kundalini est aussi appelé yoga de la Shakti.  Shakti-Kundalini est une déesse, c’est elle que l’on représente comme une serpente lovée autour du centre, de l’oeuf primordial, le joyau. La Shakti est l’énergie créatrice du dieu, celle qui « détient le pouvoir », « qui est capable ». Elle créé le voile de l’illusion qui enferme les mortels dans l ‘erreur et l’ignorance et les rend prisonniers de leur désir. Certains courants tantriques liés à Shakti ont pour vocation de libérer l’homme de l’ignorance par l’accomplissement de ses désirs : la libération s’acquiert en atteignant le paroxysme du plaisir… en simplifiant à l’extrême !

Mais Jung ne s’arrête pas là. Pour lui, la Kundalini est également semblable à Soter, le serpent sauveur des gnostiques, le serpent tentateur de la Bible qui offrit la pomme à Eve. Les gnostiques considèrent que le monde matériel est imparfait. Il faut s’en libérer, ou plutôt libérer son âme d’essence divine, de ce monde inférieur pour atteindre l’être suprême par la Connaissance, la gnose. On comprend mieux le rapprochement avec les religions indiennes qui ont également pour objectif la libération de l’âme et du cycle des réincarnations pour atteindre l’Etre Suprême, Brahman, ou encore le nirvana, la félicité suprême ou l’anéantissement total. Pour les gnostiques, le serpent Soter est un sauveur puisqu’il offre à Eve à travers la pomme, la Connaissance, la gnose libératrice qui permettra au mortel de se libérer de ce monde matériel. Pour en savoir plus sur le gnosticisme, le mieux pour commencer est encore d’avoir recours à Wikipédia.

Ouroboros

Toujours dans la mythologie chrétienne, C.G. Jung aborde la question du serpent solaire et du serpent du zodiaque. Je n’ai pas trouvé d’informations supplémentaires sur ces deux notions (apparemment Google n’a pas réponse à tout). Il s’agit, toujours selon Jung de représentations de la métamorphose de la puissance créatrice : la course du soleil est comparé  au cycle de la vie. Quant au serpent, il correspond à la Kundalini qui monte et descend au rythme des évolutions de l’individu. Je ne peux pas m’empêcher de penser ici à l’ouroboros, ce serpent qui se mord la queue et représente ainsi le cycle éternel de la nature.

Quetzalcoatl, le serpent à plumes

Au cours de ces allusions aux serpents, C.G. Jung mentionne également l’une de ses patientes qui rêvait régulièrement d’un indien… Une nuit, l’indien se transforma en serpent à plumes. Ce rêve et la confession qui s’ensuivit auprès de son thérapeute lui permis d’achever sa thérapie. Pour C.G. Jung, il est évident que le serpent à plumes des rêves de sa patiente n’est autre que Quetzalcoatl, le dieu aztèques, également reconnu par les peuples mayas, toltèques, olmèques et mixtèques. Il s’agit du dieu rédempteur des indiens d’Amériques, symbole de la mort et de la résurrection mais également inventeur des livres et du calendrier, donc de la Connaissance. Selon Jung, le serpent à plume Quetzalcoatl incarne l’esprit de l’inconscient dans la psyché de l’américain.

La puissance du serpent d’Arthur Avalon

Pour conclure sur le sujet, je mentionnerai un ouvrage de référence cité deux fois par Jung dans Psychologie du Yoga de la Kundalini. Il s’agit de la Puissance du serpent de John Woodroffe, également connu sous le nom d’Arthur Avalon, l’un des premiers orientalistes britanniques qui a largement contribué à la diffusion de la philosophie hindoue et des pratiques yogiques en Occident, notamment par ses traductions du sanskrit. L’ouvrage traite essentiellement des pratiques tantriques liées au yoga de la kundalini tout en laissant de côté les théories farfelues sur la sexualité tantrique et autres sujets à la mode. L’auteur étant spécialiste en la matière, l’ouvrage est réputé pour diffuser une connaissance véridique du tantrisme. Je suis curieuse d’en savoir plus…

[NB : J’ai déniché ce petit récapitulatif. Il provient d’un site présentant les différents éléments d’un jeu de rôle…Rien de bien fiable a priori mais le panorama dressé sur les serpents est tout de même intéressant : il reprend les éléments cités plus haut et en intègre de nouveaux, à commencer par la Vouivre proposée par Herr V en commentaire. Tous les serpents présentés ici ne sont pas assimilés à la Connaissance; et je m’interroge toujours sur l’escarboucle que la vouivre porte sur le front…Mis à part la valeur financière inestimable de ce joyau, quels sont réellement ses pouvoirs ? Peut-on parler de pierre philosophale ?  De Saint-Graal ? J’ai vu sur Wikipédia, que l’escarboucle pouvait transformer le fer en or… Est-ce qu’il y aurait un rapport avec l’alchimie ?]

Un point sur les cakra…

C’est à la suite de la lecture de Psychologie du Yoga de la Kundalinî de C. G. Jung et des remarques de quelques amis que m’est venue l’idée de faire un point sur les cakra…

Drapeau indien

Tout d’abord que signifie « cakra » ? Il s’agit d’un terme sanskrit traduit généralement par « roue » ou « disque ». Le symbole  de la roue est très significatif en Inde, il renvoie notamment au cycle des réincarnations et à la conception d’un temps cyclique (et non pas linéaire comme en occident). La roue est également présente sur le drapeau indien.

Les cakra sont des centres spirituels ou centres d’énergies répartis le long de la colonne vertébrale. Ils sont au nombre de 7.

Localisation des cakra

Représentation du mûlâdhâra

Le premier d’entre eux, de bas en haut,  est le mûlâdhâra que Huet traduit par le « support du fondement ». En effet, ce cakra représente la terre, il est situé au niveau du périnée. C’est là qu’est lovée la kundalinî shakti sous sa forme de serpent, et c’est à partir de ce point qu’elle s’éveille pour atteindre tous les cakra supérieurs les uns après les autres. L’éléphant, image de force et de fermeté, tout comme la terre, est l’animal symbolique de ce cakra.

Représentation du svâdhishthâna

Le second cakra, situé au niveau du pubis, est le svâdhishtâna, littéralement le « siège du soi », mais également source de l’erreur et du désir. Il représente l’eau et son animal symbolique est un monstre marin.

Représentation du manipûra

Le troisième cakra est le manipûra au  niveau du nombril, centre des émotions et des passions, il représente le feu. Manipûra signifie « abondance de joyaux » et correspond au centre de la force vitale. Son animal est le bélier, utilisé comme véhicule par Agni, le dieu du feu en Inde.

Représentation de l'anâhata

L’anâhata est le quatrième cakra et se situe au niveau du coeur et des poumons. Il correspond à l’air. Littéralement, anâhata signifie « non frappé », il s’agit du son primordial, subtil qui trouve sa source dans l’Origine des mondes. Lorsque la kundalinî atteint ce niveau, l’être humain devient conscient, il perçoit ce son primordial à l’intérieur de lui-même, l’âtman, son âme individuelle intrinsèquement liée au Brahman, le divin par excellence. L’antilope noire est l’animal associé à l’anâhata, elle symbolise la rapidité immatérielle de l’air sous la forme des vents.

Représentation du vishuddha

Le cinquième cakra est le vishuddha situé au niveau du larynx, siège de la parole. En Inde, la parole est sacrée et possède des vertus créatrices : elle déploie le cosmos via la vibration sonore. Elle est souvent représentée sous les traits de la déesse Vac. Vishuddha signifie « parfaitement purifié ou achevé », il représente l’éther et est associé à l’éléphant blanc. Comme nous l’avons vu plus haut, l’éléphant est aussi associé au premier cakra, le mulâdhara. Le blanc est symbole de pureté, de paix et de connaissance en Inde. Le dieu éléphant, Ganesh,  est ainsi associé aux deux extrémités de la conscience manifestée : d’abord au niveau du mulâdhara, le concret, la terre; puis au niveau du vishuddha, l’élément subtil, l’éther. Entre les deux, l’esprit a connu une transformation : le voile de l’illusion de la création terrestre se déchire au profit d’une prise de conscience des choses éternelles.

Représentation de l'âjña

L’âjña, le sixième cakra, est situé entre les deux yeux. Âjña signifie « connaissance », c’est là que siège l’Esprit, le centre de commande, le guide. Il est le plus haut des centres corporels. A l’heure de la mort, le souffle de vie situé dans l’âjña est dissolu dans le nirvâna, la divinité, le non-temps, dans les cakras situés au dessus du corps.

Localisation du sahasrâra

Le sahasrâra est le dernier cakra. Il est situé en dehors du corps, au-dessus de la tête, au niveau de la fontanelle. Sahasrâra signifie « cercle au 1000 rayons », il est représenté par un lotus au 1000 pétales. Il est le vide suprême, l’illimité, l’infini et s’il est appelé cakra, « centre », c’est plus pour une question d’uniformité de langage. La sahasrâra n’a rien d’un centre, il est l’aspect transcendant, en opposition au six autres cakra liés à l’ immanent, à la matière. Lorsque la kundalinî atteint ce point, l’homme qui a réussi à contrôler son esprit est libéré du cycle des réincarnations. Plus rien ne le lie au monde terrestre.

C.G. Jung ne s’attarde pas sur ce dernier cakra, hors du corps humain, il ne peut pas être rapporté directement à un état psychologique.

Cette description pourrait être beaucoup plus développée. Chaque représentation de cakra est chargée de sens. Chaque élément est un symbole particulier : le nombre de pétales du lotus, le triangle, symbole de la déesse, le linga en forme de phallus, symbole de Shiva, les couleurs sont également chargées de sens, les lettres représentent des sons…la parole étant créatrice, chaque son renvoie à  un élément de la création. En cliquant sur les images précédentes, certains de ces détails seront précisés.

Mais une encyclopédie ne suffirait sans doute pas pour exprimer toute la subtilité de la symbolique indienne…

Psychologie du Yoga de la Kundalinî – C. G. Jung

Mon premier article.
Plutôt que de commencer par le commencement, j’ai choisi de prendre le fil là où il en est aujourd’hui, quitte à revenir en arrière par la suite. Qui a dit que l’on devait toujours prendre des routes à sens unique ?

J’ai trouvé ce livre à la Médiathèque Ceccano d’Avignon que j’ai découverte récemment. J’ai voulu savoir ce qu’elle avait dans le ventre… J’ai tapé quelques mots-clés, des noms d’auteurs que j’affectionnais particulièrement…Et me voilà avec cet ouvrage de C. G. Jung qui n’a rien d’anodin à mes yeux : il combine mon grand intérêt pour la culture indienne et ma curiosité naissante pour la psychologie. Quant à la Kundalinî, elle est étroitement associée aux rites tantriques dédiés à la Grande Déesse indienne que l’on nomme parfois Shakti. Vous perdez le fil ? Je le raccorde…Shakti était mon sujet de mémoire à l’époque où j’étudiais l’histoire des religions…J’aurais sans aucun doute l’occasion d’y revenir.

C. G. Jung ne fait pas d’allusion à Shakti dans ce recueil de conférences. Il aborde plutôt la notion de cakra qu’il compare à la psychologie occidentale. C’est là que ça se corse, pour moi en tout cas. Je ne maitrise ni les chakra ni les concepts de psychologie mais l’idée m’intrigue et je veux en savoir plus. Rédiger ce billet m’aide à comprendre et à me poser les bonnes questions.

La kundalinî est perçue comme un serpent lové à la base de la colonne vertébrale, au niveau du premier chakra, le mûlâdhâra. Au fur et à mesure de l’élévation de l’esprit lors de la méditation, la kundalini s’éveille et s’élève vers le chakra supérieur. D’abord le svâdishthâna, puis le manipûra, l’anâhata, le vishuddha, l’âjñâ entre les deux yeux et le sahasrâna au sommet du crâne. Chaque étape de cette élévation correspond à un état psychique.

Je ne prétends pas comprendre tous les concepts de C. G. Jung, je n’en saisi à peine les idées générales, mais chaque lecture me permet de m’approprier un peu plus ses idées.