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Journal d’un génie – Salvador Dali

bEionªx/`Eionˆ¿?à@i>Après Henri Michaux et René Magritte, je continue mes pérégrinations en pays de surréalisme. J’ai récupéré ce journal du célèbre artiste espagnol un peu par hasard et m’y suis aventurée sans vraiment savoir à quoi m’attendre.

Il n’est pas question ici de percer l’intimité d’une personne de renom. Ce journal est d’emblée écrit pour être lu. Rédigé entre 1952 et 1963, l’auteur ne s’y livre pas réellement, il s’y expose dans toute son extravagance, dans toute son arrogance aussi et sans aucune marque d’humilité, sans le moindre doute quant à la vie de pacha qu’il mène. Salvador Dali a souhaité être riche, il l’est et compte bien jouir au maximum de son temps libre pour suivre toutes ses lubies.

D’imbuvable, son comportement en devient tellement caricatural que le lecteur ne peut que rire de tant d’exubérance absurde, plaignant le triste amateur qui aurait souhaité obtenir l’avis du grand Dali sur son œuvre, plaignant le notaire qui aurait voulu lui faire entendre raison sur des questions simplement administratives, puis judiciaires faute d’attention.

Les crises créatives sont entrecoupées d’épanchements amoureux pour Gala Dali, de réflexions sur les écrits de Friedrich Nietzsche ou encore de délires scatologiques dont je me serais volontiers passée. Je ne regrette pas cette lecture, extrêmement surprenante et délirante au sens premier du terme, mais je ne sais pas ce que j’en garderai à moyen et long terme. Il semble que les obsessions de Salvador Dali, gratuites et insouciantes, ne mènent nul part, telles celles d’un enfant trop gâté qui ne sauraient plus comment occuper son temps. Le récit n’en est que plus drôle, je salue au passage l’élégante moustache de l’auteur !

« Le 13

Un journaliste vient tout exprès de New York pour me demander ce que je pense de la Joconde de Léonard. Je lui dis :

 – Je suis un très grand admirateur de Marcel Duchamp qui est justement l’homme qui avait fait ces fameuses transformations sur le visage de la Joconde. Il lui avait dessiné de très petites moustaches, des moustaches déjà daliniennes. En dessous de la photographie, il avait ajouté en très petites lettres qu’on pouvait tout juste lire : « L.H.O.O.Q » Elle a chaud au cul ! Moi, j’ai toujours admiré cette attitude de Duchamp qui à l’époque correspondait à une question encore plus importante : celle de savoir s’il faut ou non brûler le Louvre. »

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Journal d’un génie – Salvador Dali
Gallimard, 1994, 301 p.
Première publication : Editions de la table ronde, 1964


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Challenge Multi-défis 2016 : une biographie 

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Les mots et les images – René Magritte

41xe1eqmzyl-_sx322_bo1204203200_Pffffffffffiou ! Qu’il est compliqué cet ouvrage ! Pour la petite histoire, je me le suis procuré au Musée Magritte de Bruxelles au printemps dernier. J’avais adoré cette exposition et, comme beaucoup de visiteurs, en étais ressortie plus intriguée que rassasiée. Je me suis donc procuré un guide du musée et ce recueil d’écrits du peintre.

Les mots et les images compile aussi bien des lettres, des dialogues fictifs, des images commentées que des articles scientifiques sur l’art et l’esthétique, sur le sens que l’artiste donne – ou s’abstient de donner – à ses tableaux. Tous ces éléments sont inégaux entre eux, et en fonction de l’intérêt et des connaissances du lecteur, celui-ci ne portera pas son attention sur les mêmes chapitres. L’ensemble propose une immersion dans la pensée à la fois très décousue dans sa forme et extrêmement structurée sur le fond du peintre René Magritte. J’ai lutté pour arriver au terme de l’ouvrage, je n’ai probablement pas saisi le quart de ce qu’il y avait à comprendre. René Magritte s’évertue à expliquer comment il essaie de provoquer chez l’observateur la sensation du mystère par l’assemblage dans ses tableaux de mots et/ou d’images a priori totalement dissociés l’un de l’autre. Il insiste également sur la distinction nécessaire entre l’objet et sa représentation, dixit le fameux « Ceci n’est pas une pipe ». En reprenant mon livre, je remarque avoir corné certaine page et relevé ainsi quelques citations et aphorismes :

« Toutes ces choses ignorées qui parviennent à la lumière me font croire que notre bonheur dépend lui aussi d’une énigme attachée à l’homme et que notre seul devoir est d’essayer de la connaître. »

« Celui qui veut ou cherche ce qu’il désire dans la peinture, ne trouvera jamais ce qui dépasse ses préférences. – 20 mars 1956 »

« Je puis écrire des textes qui intéressent des personnes qui ne jouent pas un jeu convenu ; il s’agit de toucher les autres personnes, il faudrait paraître jouer comme elles, tout en se gardant de toute manière d’être un instant dans la convention. En somme, je m’applique à n’être jamais dans la convention, lorsque je peins et dans la mesure du possible lorsque je ne peins pas ; je « parais » jouer un jeu commun : peindre par exemple, ou habiter une maison, manger aux heures fixées par la sagesse, etc. – 15 mars 1956 »

Le livre est truffée d’anecdotes de ce type, délicieuses mais tout de même largement susceptibles de vous faire des nœuds au cerveau. Ces quelques « paroles datées » sont transmises au lecteur sans contexte et sans développement, brutes de décoffrages. Chacun en retiendra ce qu’il peut. Je regrette de n’avoir pas su dénicher d’ouvrage plus accessible, et disons-le mieux construit, sur René Magritte afin de rendre son œuvre picturale plus lisible aux néophytes.

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Les mots et les images : choix d’écrits – René Magritte
[choix établi par Eric Clemens, d’après Les écrits complets de René Magritte, Flammarion, 1979]
Espace Nord, 2012, 263 p.

Plume – Henri Michaux

Plongée dans l’univers surréaliste. La manœuvre n’était pourtant pas volontaire. J’ai récupéré ce volume (presque) par hasard sur une table à troquer de la librairie Vivement dimanche lors de la braderie estivale de la Croix-Rousse. (Les lyonnais comprendront). Ravie de retrouver ce titre dans les étagères virtuelles d’Inganmic, voici le fruit de notre nouvelle lecture commune…

Plume, précédé de Lointain intérieur est publié dans la collection Poésie de la NRF Gallimard. Point de vers pour autant, plutôt de très courtes nouvelles, voire quelques paragraphes, des dialogues aussi, indépendants les uns des autres, faisant offices de poèmes par leur absence complète de rationnalité, par leur puissance onirique, surtout leur absurdité notoire, phrases décousues, sans queue ni tête, destabilisantes à loisir, et pourtant si jolies, parfois si sensées sous couvert de l’absurde, étonnament elles interpellent le lecteur malgré lui, le questionnent, l’intriguent ou le bousculent. L’amusent. Henri Michaux m’apparaît avant tout comme un auteur ludique, aux écrits frais et vivifiants. De la poésie drôle en somme !

Mais finalement assez hermétique. Je m’excuse par avance auprès des fiers littérateurs que j’aurais pu offenser par ma candide ignorance ; et je vous livre un poème :

Quand les motocyclettes rentrent à l’horizon

La seule chose que j’apprécie vraiment, c’est une motocyclette. Oh ! Quelles jambes fines, fines ! A peine si on les voit.

Et pendant qu’on admire, déjà, tant elles sont rapides, elles regagnent prestement l’horizon qu’elles ne quittent jamais qu’à grand regret.

C’est ça qui fait rêver ! C’est ça qui fait pisser les chiens contre le pied des arbres ! C’est ça qui nous endort à tout le reste, et toujours nous ramène, recueillis aux fenêtres, aux fenêtres, aux fenêtres aux grands horizons.


Plume précédé de Lointain intérieur – Henri Michaux
Gallimard, 1963


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