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Les chiens de l’aube – Anne-Catherine Blanc

La Chiquitita, c’est son nom. Celui du personnage qui m’a interpellée à l’instant même où je l’ai rencontré/vu/lu. Je suis de suite tombée amoureuse de l’avant-dernière factionnaire de la maison clause où travaille Hip Hop le narrateur des Chiens de l’aube.

La Chiquitita n’est pourtant qu’un moindre élément, un personnage secondaire parmi d’autres. Elle n’est pas le narrateur, ce vieil intendant de bordel issu d’une quelconque favela d’Amérique latine, elle n’est pas non plus cette « mère supérieure », proxénète en chef et propriétaire des lieux, elle n’est rien de ses consoeurs prostituées amères et acâriatres et non moins femmes, ni de la dernière embauchée fragile et faussement innocente. Elle n’a rien à voir non plus avec la brute épaisse, garde du corps de ces dames, et persécuteur de première ligne du brave concierge.

Les chiens de l’aube est un roman riche en personnages attachants et rebutants. Le comportement anormal de La Faena, la dernière recrue de cette maison clause latino-américaine, est le prétexte assumé pour une immersion dans les souvenirs et dans le quotidien de l’étrange tenancier au surnom instable cité précédemment, ce brave Hip Hop embrigadé (presque) malgré lui dans une enquête des plus cocasses.

Au terme de cette lecture, je vous convie chaudement à partager les jours de ce drôle de bonhomme, et à vous prendre au jeu de ce bordel de quartier aux allures d’entreprise familiale. Et parce que, dans Les chiens de l’aube, la langue compte tout autant que la narration – si ce n’est plus ! – je vous rapporte ci-dessous l’incipit du roman :

« Chez nous, les rues de la nuit appartiennent aux furtifs, aux baveux, aux électriques. Elles appartiennent aux chats pelés qui bondissent des poubelles, crachoteurs d’injures chuintantes, griffes et dents jaillies du fourreau pour défendre la pauvre arête ou la tripaille fétide qui alimentera en eux jusqu’au lendemain la petite braise de vie, étique et obstinée. Elles appartiennent aux lignes de chiens galeux, mangés de tiques, mais forts de leur nombre : masse protéiforme et grondante, capable d’attaquer l’ivrogne branlant ou de faire reculer le jouisseur clandestin filant à son plaisir, feutré, circonspect, concentré dans son effort pour noyer l’ombre qui le talonne dans l’ombre caressante des murs, un ton plus noire. »

Essayez maintenant d’imaginer, après ces quelques lignes à propos de vulgaires bêtes errantes, comment j’aurais pu tenter d’exprimer – pauvre moi – comment je-kiffe-à-donf-truc-de-ouf la si-fabuleuse-merveilleuse-délicieuse Chiquitita !! Rappelons-le celle qui n’est censée être qu’une prostituée de seconde zone, personnage d’arrière-plan du roman…


Les chiens de l’aube – Anne-Catherine Blanc
D’un noir si bleu, 2014, 348 p.


Challenge concerné
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W3 le sourire des pendus – Jérome Camut et Nathalie Hug

J’ai gagné ce roman il y a plusieurs semaines grâce à Vendredi Lecture et au Livre de poche que je remercie. D’abord perplexe devant ce généreux cadeau, il m’aura fallu le défi d’Aaliz et son challenge tout risque consacré à la lettre C ce trimestre pour que je me décide à l’ouvrir.
Je crois que je n’ai pas lu de polar depuis des années, en admettant que j’ai pu en lire un jour. Je ne sais pourquoi ce genre ne m’a jamais réellement attirée. C’est l’occasion de bousculer un peu mes habitudes.

La session 2015 du salon Quais du polar, fin mars, est également l’occasion de me mettre à la page. Du peu que j’en connais – ou du tout que j’en ignore – W3 le sourire des pendus semble se placer dans la lignée des polars traditionnels. Ecrit par deux auteurs par ailleurs scénaristes de séries noires, l’accent est mis sur l’intrigue et le suspense. Les scènes décrites me renvoient d’ailleurs des images de films policiers que j’ai pu voir dans mon enfance, pas toujours très originales.
Les 883 pages de ce roman sont rythmées par 169 chapitres très courts alternant les points de vue des nombreux protagonistes. Lara Mendès, journaliste, est enlevée alors qu’elle mène une enquête sur le marché du sexe parisien. Très rapidement, les auteurs nous proposent une odieuse scène de viol qui aurait dû me faire abandonner cette lecture semblant vouloir réveiller les instincts les plus sombres. Cependant les événements s’enchainent vite et s’apaisent un peu, je laisse derrière moi ce traumatisme pour avancer dans l’histoire au côté de Valentin, le frère de la journaliste, et quelques autres flics et journalistes plus ou moins bien intentionnés, parfois un peu caricaturaux aussi.

W3 le sourire des pendus est le premier opus d’une nouvelle série des auteurs – qui ont par ailleurs co-écrit Prédation et Stigmate, les fans du genre doivent certainement connaître – et a reçu Le prix des lecteurs 2015, à bon entendeur… Pour ma part, je ne suis pas du tout certaine de vouloir continuer l’aventure, je ne crois pas que le polar soit un genre qui me convienne. J’ai lu celui-ci avec une certaine distance, parfois presque absente – 883 pages c’est long ! – j’ai eu l’impression d’une lecture en surface, à peine distrayante et qui ne m’apportait rien personnellement – j’aime les lectures « en miroir » où je découvre quelque chose de moi-même, tout en me confrontant à des univers très différents de mon quotidien.

Pour un avis opposé au mien et parce que j’ai un peu honte d’être si peu enthousiaste pour ce livre offert, je vous renvoie vers la chronique de Tête de livre, nettement plus emballée que moi.

Challenges concernés
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