Archives du mot-clé #MRL

Gabriële – Anne et Claire Berest #MRL17

Voici l’histoire de deux sœurs, Anne et Claire, qui entreprennent de retracer l’histoire de la branche maternelle de leur famille, longtemps méconnue. Lélia, leur mère, est fille d’un certain Vicente suicidé à 27 ans, de son vrai nom Lorenzo Picabia – lui-même né du couple Gabriële et Francis Picabia. Et nous touchons là l’objet de cette biographie à peine romancée, la vie du rocambolesque et génial couple d’artistes. Francis Picabia, le peintre, et sa musicienne d’épouse qui donne son titre au récit. Anne et Claire Berest tentent ici de redonner ses lettres de noblesse à la femme de l’ombre qui abandonna tôt la musique pour se consacrer entièrement à l’art de la maïeutique – l’accoucheuse de Francis Picabia jusqu’alors engoncé dans de pâles imitations impressionnistes, le fantasme du jeune Marcel que l’on nommera plus volontiers Duchamp après émancipation, l’amie sincère de Guillaume qui n’aura pas eu besoin d’elle pour être déjà Apollinaire.

Anne et Claire Berest propulsent le lecteur dans les milieux d’avant-garde du début du XXème siècle avant, pendant et après la première guerre mondiale, de la rencontre de Gabrielle et Francis à leur séparation amoureuse qui ne sera jamais effective sur le plan intellectuel. Cette période historique est tellement foisonnante qu’il serait bien improbable de rechigner à la lecture de ce récit quand bien même celui-ci ne brillerait pas par le style.
J’ai eu grand plaisir à découvrir les rebondissements fantasques de la vie des deux époux à Paris, en Suisse ou à New-York. Gosses de riches, il faut bien l’avouer, capricieux et soumis à aucune contrainte d’ordre matériel – pas même lorsqu’il s’agit d’offrir un semblant de stabilité à leurs enfants, en témoigne la fin du jeune Vicente – l’idylle des Picabia donne à penser sur la liberté et l’indépendance outrancière, sur les nécessités de l’art, sur les frontières entre l’intelligence géniale et l’égoïsme fou, sur la dévotion maritale et ses limites.

En refermant ce livre, j’ai regretté de ne pas en avoir lu d’avantage sur Gabriële Buffet sans Francis, après Francis – lorsqu’elle n’est plus l’épouse de.
Féministe avant l’heure nous dit-on en quatrième de couv’ ?

 

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Gabriële – Anne et Claire Berest
Stock, 2017, 450 p.


#lu dans le cadre des Matchs de la Rentrée Littéraire 2017

Le garçon – Marcus Malte #MRL16

LeVieuxJardinAW+Ce livre m’a impressionnée et fortement renvoyée aux grands classiques du XIXe siècle. Par sa forme, notamment, en nous invitant à suivre l’évolution d’un personnage central, de son enfance à sa mort. J’ai pensé assez rapidement à L’éducation sentimentale d’un certain Flaubert pour la dimension initiatique, mais aussi et surtout à L’homme qui rit de Victor Hugo, œuvre majeure de ma vie de lectrice. Les échos sont nombreux entre l’enfant trouvé et déformé que l’on nommera Gwynplaine et le garçon sans voix de Marcus Malte, entre Ursus et Brabek, entre Homo et le cheval, entre les amours quasi incestueux des uns des autres, et puis Mazeppa… Plus j’y pense, plus la liste des similitudes s’allonge. Face à ce monument littéraire, Le garçon revêt une identité propre, moderne, en intégrant à la fois les codes des classiques du 19e siècle en commençant par ceux du libertinage, et les maux du XXème, la guerre, l’absurde, l’errance. Jusqu’au mythe de Sisyphe brillamment remis au goût du jour.

Je me sens toute petite et stupide à trop vouloir vous transmettre ce que j’aime de ce roman : à la fois son étonnante cohérence, sa complétude et l’immense variété des styles, des genres littéraires et des sujets abordés, et cette profonde humanité du garçon sans nom et surtout sans voix, qui a aucun moment ne semble en capacité d’exprimer lui-même ce qu’il vit. Le garçon renvoie aussi à ce qu’il reste de l’homme lorsqu’il est privé d’expression verbale.

Une lecture commune avec : Hélène,  Noukette, Asphodèle.

D’autres avis : Yvan, ClaudiaLucia, Zazy, Kathel, Pr Platypus, Yv, LiliGalipette


Le garçon – Marcus Malte
Zulma, 2016, 534 p.


Challenges concernés

#Matchs de la Rentrée Littéraire 2016

Challenge Multi-défis 2016 : Un livre pioché au hasard dans votre PAL

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