Archives pour la catégorie Bandes Dessinées

Shelton & Felter – Jacques Lamontagne

En acceptant de suivre les pas de Shelton, ex-boxeur fauché apprenti journaliste, et Felter, libraire inquiet vivant au rythme des repas de ses chats, le lecteur s’engouffre dans le Boston du début du XXème siècle en quête du moindre indice permettant de résoudre une série de meurtres improbables.

Pour planter son décor et dérouler son scénario, Jacques Lamontagne s’appuie sur un véritable fait divers : le raz-de-marée provoqué par l’explosion d’une cuve de sirop et ses conséquences dramatiques à Boston en 1919. Il en résulte une bande dessinée drôle et rocambolesque sur fond de polar « à la Sherlock ». J’ai pris un réel plaisir à suivre ce récit en image, j’ai apprécié le cahier graphique en fin d’ouvrage reprenant l’histoire de la réalisation de cette BD annoncée comme la première d’une série dont je lirai volontiers la suite à sa parution.


Shelton & Felter I. La mort noire – Jacques Lamontagne
Couleur de Scarlett Smulkowski
Kennes, 2017, 56 p.


Soie – Alessandro Baricco & Rébecca Dautremer

ob_3fba28_soieCher Destinataire,

J’ai quelques très beaux livres dans mes étagères, les deux premiers opus des éditions Tishina en font partie. Je te parlais du premier Le soleil des Scorta ici. A l’occasion d’une rencontre avec le dessinateur Benjamin Bachelier et l’éditeur de Tishina à la librairie Vivement Dimanche, j’en avais profité pour acheter Soie revisité par Rébecca Dautremer. Je l’ai lu il y a quelques mois, il est magnifique évidemment. Les éditeurs de Tishina prennent toujours soin de sélectionner des textes qui les ont marqué, ils recherchent ensuite un dessinateur qu’ils apprécient et lui donnent carte blanche pour adapter le texte à leurs envies. S’en suit un très gros travail d’éditorialisation, de choix du papier, des couleurs, d’impression. Le produit final, aussi bien pour Soie que pour Le soleil des Scorta est toujours remarquable.

Pour en revenir à Soie, ce roman raconte l’histoire d’Hervé Joncour, il vit dans le sud de la France avec sa femme Hélène Joncour, et pour gagner sa vie il cultive les vers à soie dont il ramène les œufs du Japon. Nous sommes dans la deuxième moitié du XIXème siècle. Le voyage qu’il entreprend chaque année dure plusieurs mois, et chaque voyage est l’occasion d’étranges rencontres avec le vendeur d’œufs et la femme qui l’accompagne. Je ne sais pas, cher Destinataire, si tu as déjà lu un roman d’Alessandro Baricco. Son écriture est très particulière : par exemple, j’avais lu Océan mer sur les conseils de mon amie Cyve, c’était la première fois que je lisais un roman aussi halluciné, déconnecté de la réalité, dans mon souvenir il est comme flottant hors du temps humain. Soie est un peu plus réaliste, mais j’y retrouve cette distance : le protagoniste observe sa vie, il vit des aventures remarquables pour son époque et ne semble pas s’en soucier, il est parfois surpris ou intrigué, mais se pose finalement toujours en observateur. Je trouve l’effet produit extrêmement apaisant.

soie-film-5328Je me demande tout de même comment j’aurais vécu ce livre, si je ne l’avais pas lu à travers l’interprétation de Rébecca Dautremer. Son empreinte est si forte ! Rien que la couverture avec l’homme japonais tatoué nous entraîne déjà très loin du sud de la France, je crois que si j’avais lu ce roman « seule », le Japon ne m’aurait pas autant marqué. Et puis je me demande comment j’aurais compris Hélène, est-ce que je me serais identifiée à elle ? Est-ce que j’aurais essayé de la comprendre ? Je l’ai sentie tellement secondaire, soumise et discrète, dans le dessin de Dautremer, contrairement au film réalisé en 2007 par François Girard, que j’ai vu dans la foulée et dans lequel elle tient le premier rôle, belle et affirmée, face à un Hervé Joncour beaucoup plus effacé. L’association du coup de crayon de Rébecca Dautremer et de la plume d’Alessandro Baricco apporte également une touche érotique à l’ensemble qui n’est pas non plus pour me déplaire. Je ne me souviens pas que cette dimension ait été aussi présente dans le film – mais je ne me souviens jamais des films. Décidément, si j’ai adoré ce récit, cette lecture illustrée m’interroge bien d’avantage sur les différentes interprétations possibles.

Je me dis aussi, qu’il faudra que je lise les autres romans d’Alessandro Baricco, quel auteur étonnant ! L’as-tu déjà lu ?

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Soie – Alessandro Baricco et Rébecca Dautremer, traduit de l’italien par Françoise Brun
Tishina, 2012
Première traduction française : Albin Michel, 1997
Première publication : Seta, 1996


Challenges concernés 

Challenge Multi-défis 2016 : Un livre avec une usurpation d’identité

Le piano oriental – Zeina Abirached

Cher Destinataire,

Te souviens-tu de mes petites emplettes de novembre ? Je t’y faisais part d’un cadeau de mon amie Kamila, Le piano oriental de Zeina Abirached, une bande dessinée sur le thème des relations entre l’Orient et l’Occident, plutôt bien choisie je dois l’avouer. Le sujet m’intéresse depuis près d’une dizaine d’années (déjà !), et je n’y connais pas grand chose en bande dessinée mais je suis toujours extrêmement curieuse d’en découvrir d’avantage. Ce volume n’est pas sans rappeler ceux de Marjane Satrapi que j’adore. J’ai lu Persépolis il y a quelques années (en 2006 ou 2007 peut-être ? ) et je te parlais de Poulet aux prunes dans ce précédent billet. Avec Zeina Abirached, je retrouve ce même tracé grossier en noir et blanc, le quotidien d’une famille orientale iranienne pour l’une, libanaise pour l’autre, et ce trait d’humour présent chez les deux femmes. La musique évidemment est une thématique centrale des deux auteurs.

Abdallah Kamanja, personnage largement inspiré de la vie d’Abdallah Chahine, véritable pianiste libanais des années 50, arrière grand-père de la narratrice, est passionné de musique. Il a hérité du piano de son grand-oncle et cherche le moyen de l’utiliser pour jouer des airs orientaux imposant l’utilisation du quart de ton. Or, le piano ne permet au mieux d’exécuter que des demi-tons. Toute la vie d’Abdallah est organisée autour de cette réflexion. Le roman en devient une biographie de ce drôle de personnage, l’auteur dresse un portrait de ses amis Ernest et surtout Victor, de sa femme Odette ; le lecteur suit Abdallah jusqu’à Vienne, carrefour incontournable de tout orientaliste occidental ou de tout oriental souhaitant commercer avec l’Occident, en l’occurence pour y vendre un piano. Le récit de la vie d’Abdallah Kamanja s’entrecroise avec celui de son arrière petite fille, Zeina Abirached elle-même, elle y exprime sa passion pour la langue française et la langue arabe et se positionne à son tour en pivot entre deux cultures, en individu inextricablement pétri d’une double identité française et libanaise. La critique de nos préjugés par Zeina Abirached est extrêmement fine et drôle.

Surtout, Le piano oriental est probablement l’un des premiers romans graphiques que je lis qui m’impose une attention soutenue à l’image, par la variété des formats proposés d’abord : vignettes, pages simples, double page, voire pages dépliantes ; par le comique de répétition de certaines actions : les cent pas d’Abdallah en quête d’une solution pour son intervalle d’un quart de ton ; par la dimension ludique de certaines vignettes : chercher les quatre différences entre les deux frères Victor et Ernest ; par l’absence de texte parfois : je pense à cette série de vignettes montrant la table dressée du petit déjeuner que prennent Abdallah et Odette, en quelques coups de crayon l’auteur dresse l’état d’esprit des deux personnages par la simple représentation de deux tasses de café et d’un pot de sucre. Aussi, Le piano oriental est une bande dessinée extrêmement sonore, l’auteur use et abuse des onomatopées en tout genre, au point d’offrir une lecture quasi musicale. La différence de caractère entre Abdallah et Victor est très précisément définie sur une portée musicale à l’aide de deux portraits de poisson, d’un « pôh » et de quelques « pi ». Quand j’y repense… c’est sublime !

Une simple inversion du blanc et du noir sans cesse mêlés suffit à avertir le lecteur du contexte de l’histoire : s’agit-il de la vie d’Abadallah ou de la jeune Zeina ? Les exemples témoignant de la maitrise technique de l’auteur foisonnent et sont à chaque page plus délicieux les uns que les autres ! Zeina Abirached réussit en un seul ouvrage à rassembler de manière très poétique les arts littéraire, musical et pictural. Elle communique dans la foulée un message extrêmement riche de tolérance et de pédagogie en détruisant de nombreux préjugés et en témoignant d’une identité culturelle double et assumée, sereine, loin des discours résistants ou vindicatifs.

Le piano oriental est une pure merveille que je pépite immédiatement chez Galéa, et Zeina Abirached est une dessinatrice que je compte bien suivre régulièrement !

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Le piano oriental – Zeina Abirached
Casterman, 2015, 211 p.


Challenges et non-challenge concernés

Egon Schiele : vivre ou mourir – Xavier Coste

9782203047785_1_75S’il n’était le challenge Variétés organisé parallèlement sur Babelio et chez Le chat de bibliothèque, je n’aurais probablement jamais ouvert cette bande dessinée de Xavier Coste afin de remplir la ligne « Un livre dont le titre contient des antonymes ». Vivre ou mourir, l’opposition ne pouvait difficilement être plus gracieuse !

Comme le titre l’indique, ce roman graphique est une biographie de la vie d’Egon Schiele, reconstituée à partir d’éléments réels et fantasmés. Nombre de documents n’ayant pas été rendus public, il est difficile aujourd’hui d’établir précisément ce que fut l’existence de cet artiste sulfureux au caractère semble-t-il impétueux, génie mort prématurément de la grippe espagnole à l’âge de 28 ans. Dieu seul sait ce qu’il n’a pas légué à la postérité. Xavier Coste s’exerce toutefois avec brio au rôle de biographe en m’ouvrant les portes des premières décennies de ce XXème siècle et du petit monde de la peinture autrichienne, naviguant entre Gustav Klimt, la pornographie – voire la pédophilie (!) -, et les affres de la première guerre mondiale.

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Pour tout vous dire, je tournais autour de cet étrange personnage depuis de longs mois déjà, intriguée par ses tableaux de nus cadavériques et éhontés, par ailleurs étrangement sensuels et réalistes. J’ignorais – bien que ces œuvres le laissaient soupçonner – qu’Egon Schiele fut à ce point torturé. A nouveau, je me sens étrangement attirée par cette ambiance si particulière du premier quart du siècle dernier façonné par de fortes personnalités tels Franz Kafka, Rainer Maria Rilke, Marina Tsetaeva, Sigmund Freud, ou encore Carl Gustav Jung… J’en parlais par ailleurs à propos du livre 1913 : chronique d’un monde disparu de Florian Illiès que je vous recommande sincèrement et qui faisait partie de mes coups de cœur 2014. Incontestablement, je ne suis pas prête de refermer la porte entrouverte par Xavier Coste. Déjà, je lorgne Maîtres anciens de Thomas Bernhard qui trône dans mes étagères depuis près de deux ans…

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Egon Schiele : vivre ou mourir – scenario, dessins et couleurs : Xavier Coste
Casterman, 2012, 66 p.


Challenge concerné

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Jiseul – Keum Suk Gendry-Kim

Jiseul est une adaptation en roman graphique du film sud-coréen du même nom réalisé par O Muel. Je l’ai découvert sur un blog il y a plusieurs semaines – je ne sais plus lequel et Feedly ne me permet pas de faire une recherche gratuitement dans mes flux rss, je fais un appel à tous ceux qui auraient une astuce… – et je me suis empressée de l’emprunter à la BM de Lyon. Ce roman graphique reprend un épisode tragique de la guerilla communiste sud-coréenne de l’été 1948. Je ne connaissais pas du tout cette période de l’histoire asiatique et la lecture de ce roman est l’occasion de m’y sensibiliser. Les tracés et les événements sont à peine ébauchés mais les effets produits par l’encre noire sont extrêmement puissants et troublants, l’ambiance est posée d’emblée. J’ai refermé le livre au bord des larmes, lourde de ce silence qui s’impose à l’annonce d’une nouvelle grave ou d’une lecture hors du commun.

Jiseul est une très belle découverte à la fois historique et graphique et je remercie chaleureusement le blogueur inconnu qui a bien voulu la partager.


Jiseul – O Muel, Keum Suk Gendry-Kim, traduit du coréen par Mélissa David
Sarbacane, 2015, 256 p.
Première publication en Corée : 2014
Réalisation du film : 2012


Challenges concernés
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Undercurrent – Tetsuya Toyoda

J’ai découvert ce manga sur Bookerdose, le blog d’Alison. Elle nous y faisait part de sa déception mais je suis têtue. J’ai d’emblée flashé sur la couverture et décidé de l’emprunter. L’univers du manga m’est quasiment inconnu, c’est une découverte complète pour moi. A tel point que j’avais oublié qu’à l’intérieur du livre les planches sont en noir et blanc ce qui m’a un peu frustré au premier abord – par chance, je me suis souvenu que les mangas se lisent de droite à gauche, c’est déjà ça.

Immédiatement, j’ai adhéré au coup de crayon de l’auteur – fin et lisse, comme le souligne Alison – et surtout à sa capacité d’exprimer la mélancolie, voire la tristesse sur les visages de ses personnages. Cette ambiance très marquée est présente quasiment jusqu’à la fin de l’ouvrage – quelques sourires apparaissent ça et là et n’en sont que plus précieux, ils traduisent la complicité qui se tissent progressivement entre les personnages.

Si Alison a trouvé l’histoire et les personnages peu fouillés, de mon côté, en revanche, j’ai apprécié cette douce mise à distance et ce mystère planant en permanence sur les différents protagonistes. Je rejoins tout de même Alison sur sa déception quant au déroulé narratif – et la fin qui me laisse… sur ma faim. Deux histoires se mêlent l’une à l’autre : la disparition subite du mari de Kanae et l’arrivée de l’employé des bains dans la maison de famille, Hori. Toutefois, à mon sens, elles ne se rejoignent jamais tout à fait – à moins que j’ai loupé un élément clé de l’affaire – et je ne comprends pas vraiment où l’auteur a voulu en venir.

Undercurrent reste toutefois une oeuvre à découvrir par son ambiance inimitable et je remercie sincèrement Alison pour cette plongée dans l’univers du manga. Pour lire son avis, c’est ici !

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Junior – Wolinski

Aucune originalité à lire une bande dessinée de Wolinski en ce début 2015. Certes. La bibliothèque de la Part Dieu a souhaité en janvier dernier rebondir sur les événements tragiques que l’on connait en mettant à disposition de son public un ensemble d’œuvres : livres, bandes dessinées, essais sur le thème de la satyre politique, pour nous permettre de mieux comprendre certaines valeurs défendues par le journal Charlie Hebdo. Ce présentoir en lien avec l’actualité était également l’occasion de remettre au goût du jour certaines productions de nos chers disparus.

Junior, publié en 1983 par L’Echo des Savanes et Albin Michel, est une bande dessinée entièrement réalisée par Georges Wolinski. Elle nous présente sur le ton de l’humour – évidemment – le quotidien de Senior ex-soixante-huitard, chevelu, looser sur les bords, tendance hippy, légèrement obsédé par le sexe, et surtout fondamentalement gentil ; celui-ci ne comprend pas son fils, Junior, à qui tout réussi, costard-cravate, étudiant chevronné, et plus attentif à l’intellect de ses nombreuses amies qu’à leurs poitrines rebondies. Autant dire, pour son père, un OVNI. Avec Junior, Wolinski a surtout voulu mettre en avant, avec justesse et dérision, les incompréhensions générationnelles de la société des années 80’s. J’ai beaucoup ri devant ces situations décalées – toujours d’actualité ! – à peine suggérées par un trait jeté, presque grossier et très expressif, majoritairement en noir et blanc mis à part quelques planches en début et fin d’ouvrage où les couleurs explosent pour mon plus grand bonheur.

Lire Wolinski en ces temps de grisaille et de déprime nationale aura été l’occasion de quelques bons éclats de rire et d’une véritable bouffée d’oxygène !

Challenge concerné
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Poulet aux prunes – Marjane Satrapi

De Marjane Satrapi, je connaissais – comme beaucoup de monde sans doute – Persépolis, que j’avais, à l’époque, lu, adoré, vu et offert en DVD. J’ignorais complètement qu’elle avait publié d’autres romans graphiques. Je l’ai découvert il y a quelques semaines sur Bookerdose, le blog d’Alison Mossharty, et me suis empressée de l’emprunter à la médiathèque. Le lendemain, je découvrais la Fête de la BD sur les blogs organisée par Sophie, et me voici aujourd’hui pour vous parler de Poulet aux prunes publié en 2004 par L’Association, et primé en 2005 au Festival d’Angoulême qui ferme ses portes aujourd’hui.

J’avais beaucoup aimé Persépolis pour le témoignage historique qu’il représente, pour le coup de crayon de la dessinatrice aussi. Avec Poulet aux prunes, on retrouve la société iranienne de 1958, sous la dynastie Pahlavi. La République islamique n’est pas encore au pouvoir. Toutefois, la politique et la révolution ne sont pas le sujet de cet album.

Le protagoniste de ce récit, un grand-oncle assez éloigné de l’auteur, Nasser Ali, est déprimé. Son instrument de musique favori est cassé, il ne trouve pas l’équivalent pour le remplacer. Il décide alors de se coucher dans son lit et d’attendre la mort. Poulet aux prunes est le récit des huit jours que monsieur Ali passe à somnoler et à ressasser ses idées noires et ses souvenirs.

Sur le ton de l’humour, Marjane Satrapi réussit à aborder le sombre sujet de la dépression. Avec son trait caractéristique simple, en noir sur fond blanc pour les épisodes contemporains du récit, en blanc sur fond noir pour les souvenirs, ou les projections sur l’avenir de la famille de Nasser Ali, elle retrace tout ce qui fonde et explique l’état actuel du personnage principal.

Lu au bon moment, ce roman graphique m’a touché par sa simplicité et sa véracité. Il traite d’une question grave et universelle, tout en permettant l’humour et la distanciation, en ouvrant des portes qui semblaient closes, montrer ce que la vie aurait pu être si… Parfois, il suffit d’un rien entre bonheur et dépression. Ce constat peut-être drôle ou tragique, Marjane Satrapi se place sur un fil, en équilibre entre l’improbable et le très vrai.

Poulet aux prunes est un gros coup de cœur et une invitation à découvrir les autres réalisations de cette auteur qui a depuis bien longtemps fait ses preuves.

Skandalon – Julie Maroh

Comme beaucoup de monde sans doute, j’ai découvert Julie Maroh avec son roman graphique Le bleu est une couleur chaude – j’en parlais dans ce précédent article. Peu friande de bande dessinée, j’avais tout de même apprécié sa lecture et la qualité du tracé. Dans la foulée – et parce que l’avantage d’une BD est qu’elle peut se lire vite – j’ai emprunté à la bibliothèque du quartier son deuxième opus, Skandalon.

Cette fois, l’auteur laisse tomber le bleu et s’attache à une autre couleur chaude, le rouge, d’avantage synonyme ici de violence. Une fois encore, les nuances des tons et le dessin – parfois qualifiés d’oniriques – contribuent largement à charmer le lecteur. La violence largement suggérée, le sentiment d’angoisse ou d’oppression du personnage principal, voire le malaise même du lecteur qui découvre le récit sont autant de sensations déployées par les planches de Julie Maroh. Skandalon est un jeune chanteur, devenu trop rapidement l’idôle d’une génération. Le roman raconte sa déchéance progressive, ses excès : alcool, drogue, sexe, agressivité. Comme pour Le bleu est une couleur chaude, force est de constater que Julie Maroh donne une fois encore dans le cliché d’un monde de rock stars plutôt caricatural. Mais sur le fond, cela importe peu. L’objet du livre n’est pas d’être un témoignage réaliste. En postface, Julie Maroh abandonne ses pinceaux et prend la plume pour nous faire un point – à coup de références universitaires – sur la nécessité des sociétés de désigner un bouc émissaire. Dans ces quelques pages finales, Skandalon prend toute sa dimension et impose une seconde lecture avec un œil plus éclairé.

De mon côté, je retrouve là, de manière complètement impromptue, des thématiques qui me sont chères. Et pour approfondir la question, je m’empresse de noter une des références citées en notes de bas de pages : La violence et le sacré de René Girard.

D’autres avis chez Mokamilla et Mo’.

Cette lecture fait partie de ma liste du Challenge Petit BAC 2015 organisé par Enna.

Astérix chez les Belges – René Goscinny et Albert Uderzo

Je ne suis pas une grande adepte de bandes dessinées et Cyve le savait très bien lorsqu’elle m’a proposé de combler la lettre U du Challenge ABC Critiques par un album d’Astérix. Avait-elle seulement conscience de l’occasion qu’elle me donnait de lui rappeler que les Belges n’ont pas le monopole de la bande dessinée ? Cela dit, dans mon univers, Hergé est à peu près la seule référence en la matière…

D’humeur taquine ou enfantine, je m’attèle donc à la lecture de l’album qu’elle me tend non sans une pointe d’ironie : il m’aura fallu aller jusqu’à Bruxelles pour le lui emprunter, aucune bibliothèque lyonnaise ne proposant un exemplaire disponible…

Engoncée dans son grand fauteuil, j’ouvre l’album… Stupeur ! J’apprends avec effarement au côté d’Abraracourcix, que Jules César aurait dit que de tous les peuples de la Gaule, les Belges étaient les plus braves… En quelques minutes à peine, je suis embarquée avec nos quatre compères : Astérix, Obélix, Abraracourcix, sans oublier Idéfix, sur les routes de la Gaule Belgique.

Je ne vais pas vous faire une analyse approfondie du récit et des illustrations, je suis simplement forcée de constater que 20 ans après avoir théoriquement passé l’âge de les lire, Goscinny et Uderzo font toujours leur petit effet, et c’est avec plaisir et humour – attention confidence, je pense que j’ai même dû soulever une fossette par moment – que j’ai pu défier cette peuplade nordique devant un Jules César bien mal placé pour nous départager.

Quant à mon expédition bruxelloise, je suis arrivée armée jusqu’aux dents, et je suis repartie – Saint Nicolas oblige – les valises chargées de cadeaux. De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont bien les plus terribles…