Trouée dans les nuages – Chi Li

cvt_trouee-dans-les-nuages_945Je rencontre l’auteur chinoise Chi Li pour la deuxième fois avec son roman Trouée dans les nuages. Entre thé savoureux et duvet douillet, l’angoisse monte en huis clos et ma tasse refroidit bien vite. Je suis en Chine, témoin invisible d’un couple qui se délite entre les murs de son appartement. Les nuits sombres s’enchaînent et sont le lieu de règlements de comptes macabres. Les jours ordinaires défilent à l’extérieur pour ces employés modèles d’un centre de recherche. La fluidité du style et l’extrême sensibilité de Chi Li marquent le récit à l’image des Sentinelles des blés, s’y ajoute un fort sens du suspense que je n’avais pas pressenti chez l’auteur. Je sors du roman étouffée par la pression psychologique imposée par les deux protagonistes, assommée de cette silencieuse violence qui s’épanche insidieusement chaque soir lorsque les portes de la vie publique se referment.

Quatre ans avant Les sentinelles des blés, Chi Li met déjà l’accent sur les vies intimes derrière les façades sociales ; elle joue avec le doute, fissure les évidences ; elle pointe du doigt le réel interne des esprits et son empreinte dramatique sur le monde extérieur – lequel monde interprète ces marques à sa guise comme des conséquences factuelles issues d’un quelconque désordre économique. C’est sans compter la douleur et la bassesse des hommes, ou leur grandeur.

« Au début tout était calme, paisible, serein, comme au premier jour. Leur vie et leur façon d’être évoquaient ces feuilles d’un vert tendre et luisant dont les nervures transparaissaient sous le soleil de midi. Ils n’étaient pas de ces gens flous qui ne laissent où ils passent que des bribes de vie confuses et finissent par tout embrouiller autour d’eux, les hommes, l’existence et l’histoire.
Jin Xiang et Zeng Shanmei étaient des feuilles vertes sous le soleil : tous leurs collègues de l’Institut de recherche métallurgiques partageaient cette certitude, convaincus qu’ils étaient de pouvoir distinguer jusqu’à leur moindre capillaire. »


Trouée dans les nuages – Chi Li
traduit du chinois par Isabelle Rabut et Shao Baoqing
Actes Sud, 1999, 115 p.
Première publication : Yun po chu, Huacheng, 1997


Challenge concerné

Challenge Multi-défis 2016 : un livre du « bout du monde »

12 réflexions au sujet de « Trouée dans les nuages – Chi Li »

  1. Marine

    Chi Li est une très belle découverte, j’ai beaucoup aimé lire Les sentinelles des blés (merci !), et je crois que je n’avais jamais lu d’auteur chinois avant, ca ouvre des portes dans l’horizon 🙂
    D’une certaine manière, en le lisant, j’ai pensé à une auteur japonaise lue il y a plusieurs années : Kitchen, de Banana Yoshimoto. Si tu ne l’as pas lu, je te le conseille. Du genre de ces lectures qui me font l’effet d’un léger vent chaud dans le coeur (en tout cas l’effet que cela m’avait fait à l’époque !).
    Trouée dans les nuages semble très différent, mais tout aussi bon. Je retiens !

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Coucou Marine, je suis contente de te lire et ça me fait plaisir que tu aies aimé Les sentinelles des blés. Trouée dans les nuages est meilleur encore je trouve mais beaucoup moins léger évidemment. J’ai noté Kitchen, je crois qu’on m’en a déjà parlé mais je ne sais plus qui… peut-être toi ou Lucie ?

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  2. Asphodèle

    J’ai lu beaucoup de littérature chinoise et japonaise à une époque (études de chinois obligent) donc j’ai saturé à un moment mais je m’y remettrais volontiers avec des auteurs de cette veine ! A suivre ! 😉

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Et bien fais toi plaisir ! A mon avis, Chi Li est une valeur sûre. On m’a prêté Tu es une rivière sur le lien mère/fille et je savoure par avance. 🙂

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