La dernière innocence – Alejandra Pizarnik

135Il m’est souvent difficile d’aborder sur ce blog les auteurs qui me touchent le plus, je repousse généralement à l’extrême le moment de vous parler de leur œuvre. Il en va ainsi d’Alejandra Pizarnik dont j’ai plaisir à lire et relire sans cesse les poèmes en esquivant de vous en faire part.

La dernière innocence est son deuxième recueil, publié en 1956 alors qu’elle a 20 ans. L’auteur l’a rapidement considéré comme le premier de tous et l’a toujours fait figurer en première position de sa bibliographie. Il est dédié à Léon Ostrov, son premier psychanalyste avec lequel elle a entretenu une correspondance pendant près d’une décennie. Ces lettres ont été très récemment publiées aux éditions des Busclats, je vous en reparlerai. En conclusion du recueil de poèmes, on trouve des Souvenirs d’Alejandra Pizarnik écrits par L. Ostrov et préalablement publiés en 1983, soit 11 ans après le suicide de sa patiente, et deux lettres de la poétesse à son médecin auquel elle voue une admiration quasi-mystique. Tiré à 900 exemplaires en mars 2015, cette publication des éditions Ypsilon est – tout comme Textes d’Ombre – un petit bijou de livre-objet que j’ai toujours grand plaisir à saisir, à parcourir, à relire et feuilleter sans jamais me lasser.

Si l’altérité était au centre des poèmes de Textes d’Ombre, La dernière innocence se présente d’avantage comme un appel à la vie, malgré tout, contre tout, contre la mort, contre le vent, et pour le vent, pour la vie, pour la mort. C’est de cette ambivalence, entre désir et douleur de vivre, entre angoisse et départ espéré, qu’Alejandra Pizarnik joue pour extérioriser ses terreurs, les dépasser et leur arracher quelques bribes de vie.

Je vous livre deux poèmes.

Origine

Il faut sauver le vent
Les oiseaux brûlent le vent
dans les cheveux de la femme solitaire
qui revient de la nature
et tisse des tourments
Il faut sauver le vent

Seulement

Là je comprends la vérité

elle éclate dans mes désirs

et dans mes détresses
dans mes déceptions
dans mes déséquilibres
dans mes délires

là je comprends la vérité

à présent
chercher la vie


La dernière innocence – Alejandra Pizarnik
traduit de l’espagnol (Argentine) par Jacques Ancet
Ypsilon, 2015, 41 p.
Première publication : La ultima inocencia, 1956


Challenges concernés

Challenge Multi-défis 2016 : une œuvre écrite en vers 

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