Le promeneur d’Alep – Niroz Malek

61ne-lrk33l-_sx350_bo1204203200_Le promeneur d’Alep est un témoignage venu en droite ligne de Syrie. Sous forme de courtes anecdotes romancées de deux ou trois pages, l’auteur nous rapporte son quotidien, imaginaire ou ultra-réaliste selon les cas, d’habitant de la ville occupée d’Alep sous les traits d’un narrateur s’exprimant sans cesse à la première personne. Les vivants cotoient les morts dans la rue, au café, au téléphone… La fine ligne séparant les deux mondes s’estompant parfois tout à fait pour rendre compte d’un état d’esprit propre au survivant d’un monde en guerre.

Cette lecture m’a été particulière difficile et troublante, le roman laissant largement entrevoir la véracité d’une guerre très actuelle dont nous connaissons les retentissements jusque dans nos pays croyons-nous protégés. Il n’est pas d’écrits sanglants ou provocateurs dans la prose de Niroz Malek. L’oppression, si elle est parfois physique, est d’avantage psychologique ici. Le poids de la mort sur le quotidien y est magistralement dépeint. Le narrateur, le promeneur d’Alep, vit avec la mort, meurt un peu plus chaque jour, comment savoir… La fin n’est pas encore écrite, les tirs de mortiers cisaillent encore l’air, et la paix se fait inexorablement attendre. Il n’y a que l’ici et maintenant qui semblent compter : le passé est révolu et l’avenir n’existe peut-être pas.

Plusieurs librairies lyonnaises proposent à la vente ce court ouvrage des éditions Le serpent à plumes, à minima Le bal des ardents et Terre des livres. J’ai hésité avant de l’acheter : écrire sur une guerre qui n’est pas terminée, n’est-ce pas trop ambitieux, trop incertain ? Lire sur une guerre dont les échos résonnent trop proches de nos portes ne me sera-t-il pas trop difficile ? Je n’ai pas vraiment la réponse.

La perspective d’une lecture commune avec Maryline – qui nous fait l’honneur d’un bref retour sur la blogosphère à cette occasion – m’aura poussée à lire jusqu’au bout les anecdotes de Niroz Malek ; la volonté que la Syrie soit dignement représentée au challenge Lire le monde de Sandrine aussi. En effet, Niroz Malek s’attelle ici avec brio à un sujet ultra-sensible, avec humilité et simplicité, il réussit à rendre dans une langue éminemment fluide et poétique toute la douleur des pertes humaines et des perspectives cloisonnées.

Nous ne pouvons que remercier Le serpent à plumes et le traducteur Fawaz Hussain d’avoir permis au Promeneur d’Alep de marcher jusqu’à nous.


Le promeneur d’Alep – Niroz Malek
traduit de l’arabe (Syrie) par Fawaz Hussain
Le serpent à plumes, 2015, 157 p.
Première publication : Tahta sam’il harb, Stokholms Monsters / La société du Moulin, 2015


Challenges et non-challenge concernés

Challenge Multi-défis 2016 : un livre « âme sensible s’abstenir »

9 réflexions au sujet de « Le promeneur d’Alep – Niroz Malek »

  1. Marilyne

    Très chouette billet qui rend tout ce que dis cette lecture. Dont la fin reste à écrire, oui. Je crois que justement ce livre dit tant parce que cette guerre n’est pas terminée, parce que, par le témoignage et la force de la plume ( sans facilité, ni provocation comme tu le soulignes ), il dépasse cette guerre pour nous parler de toutes les guerres. Ce qui se passe à l’intérieur, de la ville, des gens, la ville devenant presque la métaphore de ce que subissent ces gens, les dégâts à l’intérieur.
    Je ne suis pas étonnée que tu en fasses une pépite. Trop tôt pour moi, je laisse  » vivre  » cette lecture encore. Qui m’a permis de découvrir un auteur syrien. Peut-être y aura-t-il maintenant d’autres traductions de ces recueils de nouvelles ou romans.
    Merci pour cette lecture partagée.

    Aimé par 1 personne

    Répondre
    1. Moglug Auteur de l’article

      Merci à toi ! J’en fais d’emblée une pépite parce qu’au-delà du contenu j’ai aussi envie de saluer le choix du Serpent à plumes d’avoir fait traduire et publier ce texte maintenant. Tout ce qui peut montrer le peuple syrien un peu plus dignement que prisonnier des ghettos de Calais, ou de la caricature islamiste mérite d’être valorisé. Ton propos est très juste lorsque tu parles de la ville comme d’une métaphore de la guerre « à l’intérieur ».

      J’aime

      Répondre
    1. Moglug Auteur de l’article

      ça corse sérieusement l’affaire… Je vais voir ce que j’ai dans mes cartons de livres… Autant, j’ai pas mal de journaux, biographies, etc. mais suis pas sûre que le nom de la personne apparaisse dans le titre. :s

      J’aime

      Répondre

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s