En finir avec Eddy Bellegueule – Edouard Louis

Mon libraire m’avait conseillé En finir avec Eddy Bellegueule au moment de sa sortie, je l’avais noté dans un coin de ma tête avec l’intention éventuelle d’y revenir plus tard. Les vacances familiales auront été l’occasion idéale. Surprise de le retrouver au supermarché du coin, je le recommandais à ma sœur qui s’est empressée de l’acheter, et de le dévorer (jusqu’au bout… fait suffisamment rare pour être noté), le refilant dans la foulée à ma mère qui n’en a fait qu’une bouchée. Devant un tel enthousiasme, j’ajoutais mon marque-page aux deux précédents, m’en saisissant dès que l’ouvrage était abandonné sur un fauteuil ou sur le coin d’une table.

Dans ce roman autobiographique, Edouard Louis nous rapporte son enfance picarde et ses premiers émois homosexuels dans un contexte intellectuel et économique foncièrement misérable. Dans un style extrêmement fluide sans être simpliste, avec un art maitrisé de la description des violences physiques et morales subies, l’auteur emporte le lecteur dans les méandres de sa jeunesse sans lui offrir, jamais, la moindre bouffée d’oxygène. Etouffé dans un milieu populaire où l’affection ne semble s’exprimer que par les coups ou la bêtise, En finir avec Eddy Bellegueule s’apparente à un roman catharsis, une revanche prise sur un destin qui semblait condamné par avance.
Je l’ai lu quasiment d’une traite, hésitant entre le dégoût et le malaise devant ce portrait familial sans concession, ne pouvant qu’acquiescer, constater la véracité des faits relatés, prise à témoin d’un récit que je ne peux pas imaginer fictif tant certains détails sont criants de déjà-vu. Il ne fait décidémennt pas bon être « différent » dans certaines de nos campagnes…

L’incipit me mettait pourtant au parfum : « De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux. »
Tout au long de ces 204 pages, je n’ai pu qu’espérer, désirer ardemment l’ébauche d’un signe de tendresse de la part du narrateur envers sa famille, ou de l’un des membres de l’entourage envers Eddy. Attente vaine. J’ai tourné la dernière page du roman il y a plus de dix jours, et je garde encore cette terrible amertume au fond de la gorge. N’y-a-t-il définitivement rien à sauver de l’enfance d’Eddy Bellegueule ?


En finir avec Eddy Bellegueule – Edouard Louis
Editions du Seuil, 2014, 204 p.


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20 réflexions au sujet de « En finir avec Eddy Bellegueule – Edouard Louis »

    1. Moglug Auteur de l’article

      Plus d’analyse de la part de qui ? De l’auteur ? Il semblerait qu’il soit assez jeune, il n’a peut-être pas suffisamment de recul. Quant à moi.. .l’analyse, c’est pas mon fort ! :s

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Merci pour ce deuxième partage. C’est effectivement une lecture qui invite à l’échange et soulève pas mal de questions, mais je ne sais pas si ce sont des questions très saines finalement… Envisager sa famille sous un angle froid et sociologique n’est peut-être pas la démarche la plus constructive pour revenir sur son enfance.

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      1. Anne de Louvain-la-Neuve

        Il n’y a pas de questions malsaines ou saines, il y a des questions. L’écriture ou la lecture ont ces libertés, heureusement, d’envisager tous les points de vue y compris ceux de la famille, du corps, de la politique. J’espère qu’il n’y aura jamais de censure ! Sinon, on se rapproche des saligauds de Daesh, vous ne pensez pas ?

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  2. sous les galets

    Tu sais que je l’ai fini il y a plus de 18 mois et mon avis a beaucoup évolué, je crains quand même que ce très jeune auteur se soit fait manipuler, parce qu’il y a de vraies zones d’ombres dans ce récit qui se voudrait sans concession, et dans le personnage médiatique qu’on lui a inventé. Comme toi je l’avais lu d’une traite et j’avais fini avec la nausée au bord des lèvres, c’est un livre de jeunesse, on lui pardonnera ses excès, j’ai hâte de voir comment ce romancier évoluera….

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    1. Moglug Auteur de l’article

      A quoi tu penses quand tu parles de zones d’ombres ? Quel est ton avis maintenant ? J’irai lire ton article ce soir… Tu y vas fort quand tu parles de manipulation, mais avec du recul, ce n’est pas impossible, je n’avais pas vu les choses sous cet angle (du coup j’en ai encore plus la nausée :s )

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  3. Alison Mossharty

    En lisant les commentaires, je vois que c’est un bouquin qui suscite beaucoup d’interrogations. Je l’ignorais totalement. Je l’avais, comme toi, vu en librairie et la libraire m’en avait parlé en bien sans rentrer dans les détails ce qui m’avait intrigué ! En tout cas, ton avis est très bien tourné =) Comme on dit, le plus important est de se faire son propre avis =)

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  4. AMBROISIE

    Quelques fois il n’y a rien à sauver d’une enfance malheureusement. Mon prof me l’a conseillé, j’ai bien envie de le lire mais j’ai toujours hésité à me l’acheter ><

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Tu le trouveras en bibliothèque je pense, sinon il est sorti en poche depuis un moment… il ne coûte vraiment pas très cher 😉
      Avec un peu de chance, tu peux peut-être le trouver d’occasion 🙂

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