Le Feu sacré – Régis Debray

Voilà un essai que je voulais lire depuis bien longtemps, depuis la lecture de La jeunesse du sacré du même auteur précisément. La Sainte Ignorance aura été le prétexte pour rebondir et creuser encore cette notion de sacré qui me questionne toujours autant. Avec Régis Debray, j’aborde le sujet sous l’angle de la philosophie, discipline qui m’est totalement étrangère et difficile d’accès.

Le Feu sacré : fonctions du religieux est divisé en cinq parties. Les quatre premières correspondent à quatre fonctions du religieux : Fraternités, Hostilités, Identités et Unités ; la dernière, Actualités, fait le point sur la place du sacré dans nos sociétés contemporaines.

Pour tout avouer, j’ai eu beaucoup de mal avec cet essai, d’abord avec le style de l’auteur : soutenu comme le veut l’écriture universitaire, le discours est parcouru de phrases humoristiques probablement au goût des érudits ; mais à tenter de saisir les blagues, j’en ai pour ma part, le plus souvent, perdu le fil du raisonnement. Il en résulte une lecture extrêmement frustrante – voire, si j’osais, horripilante. Rien de tel qu’un sujet intéressant mais insaisissable. La faute en est essentiellement à ma maigre capacité de concentration, j’en conviens.

Si ma lecture en dilettante ne me permet pas de vous en faire un résumé présentable, je me rend compte, les jours passant, que les idées soulevées continuent de me questionner. En particulier, la deuxième partie sur les hostilités : rien de tel qu’une guerre pour rassembler un peuple. Pourquoi est-il plus facile de s’unir pour tuer que pour aimer ? Question naïve j’en conviens…et sans réponse. Dans « Fraternités », Régis Debray débute son chapitre en distinguant les parcours spirituels à caractère personnel du religieux à vocation collective. Une définition évidente pour certains mais essentielle pour moi. Ainsi, je retiens de ce livre des bribes d’informations qui me reviennent quand je m’y attend le moins en faisant écho à d’autres choses ; mais globalement, malheureusement, j’ai trop souvent décroché du texte.

Pour tenter de poursuivre certaines idées, j’ai continué mes lectures par Les Barrages de sable, un roman de Jean-Yves Jouannais, où l’auteur s’interroge sur cette tendance naturelle que nous avons tous, en bord de mer, de vouloir construire des fortifications contre la marée montante. Indirectement, les questionnements sur la guerre ressurgissent. Plus scolairement, je prévois de lire La violence et le sacré de René Girard, cité à la fois par J.-Y. Jouannais et Régis Debray chacun à leur manière, en espérant y trouver des réponses plus explicites.

Un petit extrait riche en couleur de la p. 426 de ma version de poche, caractéristique du style de l’auteur et de certaines idées développées tout au long de l’essai :

« Et que vaut-il mieux, se disputer, voire s’entraider dans Babel, ou rôder dans un no man’s land apaisé ?
C’est ici qu’on se prend à rêver d’un œcuménisme qui ne serait pas un concordisme, visant non à délayer mais à préciser les profils spirituels. A mieux identifier les différences plutôt qu’à les effacer. D’un dialogue interreligieux qui, au lieu de produire de l’eau de rose avec des liqueurs fortes, via la théologie la plus faible, mettrait en valeur, ce que les autres théologies ont de fort et d’irréductible. Ce genre de rencontre aurait moins besoin de facilitateurs souriants que de traducteurs exigeants, à l’image des juifs de Tolède, et des Arabes d’Andalousie. L’Esprit-Saint est-il condamné à prendre l’autoroute ? »

Challenges concernés

Challenge ABC Critiques 2014/2015

      

9 réflexions au sujet de « Le Feu sacré – Régis Debray »

  1. Anne de Louvain-la-Neuve

    Je pense avoir le même problème que vous concernant la philosophie. J’ai bien eu un cours en première année d’université (mais nous n’en avons pas dans les écoles secondaires en Belgique qui préfère toujours les cours de religion ! ). J’ai aussi donné des cours sommaires de philo mais cela reste un monde à part. C’est pourquoi, « Le monde de Sophie » est super au niveau didactique comme d’ailleurs l’est « Pantopie » de Michel Serres difficilement compréhensible en dehors des entretiens oraux ou de ce livre qui présente un aperçu de son histoire et de ses idées. Je m’étais abonnée à un site de philo mais découragée par le vocabulaire abscons du monsieur (je ne comprenais rien), je me suis désabonnée aussi sec ! Lâche que je suis !

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    1. Moglug Auteur de l’article

      Les cours de religion, c’est plutôt une bonne idée ! En France, on parle beaucoup religion et laïcité mais avec des idées vieilles du siècle dernier… Finalement, on brasse surtout beaucoup d’air ! Transmettre les outils de base pour pouvoir penser, ce ne serait pas superflu ! Quand au vocabulaire abscons… quand c’est incompréhensible ça ne sert à rien d’insister ! Il vaut mieux revenir à des ouvrages plus didactiques et s’assurer que l’on comprend ce qu’on lit… D’ailleurs, je n’ai jamais lu Le monde Sophie mais je l’ai emprunté dernièrement à ma sœur : je suis contente de lire votre commentaire, il m’incite à dépasser la page de couverture de Jostein Gaarder 😉

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    2. Moglug Auteur de l’article

      Cela dit La jeunesse du sacré de Régis Debray est conçu pour le grand public et nettement plus accessible. Il ouvre des pistes de réflexion personnelle intéressante. J’aurais souhaité un niveau intermédiaire entre La jeunesse du sacré et Le Feu sacré – ou un style plus digeste, le vocabulaire n’est pas nécessairement compliqué en soi dans ce livre.

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      1. alexmotamots

        A propos de la phrase de l’auteur : « cette tendance naturelle que nous avons tous, en bord de mer, de vouloir construire des fortifications contre la marée montante. « 

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        1. Moglug Auteur de l’article

          Ah oui ! A propos du livre de Jean-Yves Jouannais ! Je n’ai pas encore publié la chronique… La phrase que tu mets entre guillemets est de moi (enfin je crois), c’est un rapide résumé de ce qu’il tente d’expliquer de manière bien plus développée. Et en effet, J.-Y. Jouannais commence son livre en expliquant qu’il va construire « Un barrage contre l’Atlantique » avec ses enfants.^^ La suite du récit/essai/autofiction s’éloigne pas mal de l’influence de Marguerite Duras a priori (mais comme je ne ai pas encore lu Barrage contre le Pacifique…)

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