Dans un précédent commentaire à propos de la lecture audio de Mal de pierres de Milena Agus, Mina me demandait si mes impressions extrêmement positives étaient d’avantage liées à la deuxième lecture, en l’occurrence par l’écoute, du texte ; ou si elles étaient dues au talent de l’actrice et à son choix d’interprétation.
Avec Le prophète, je peux amorcer un début de réponse. J’ai découvert ce texte par écrit il y a quelques années, j’avais été très enthousiasmée et vous en faisais part ici. Je ne l’exprimais pas mais je prends conscience aujourd’hui de l’univers physique du paysage d’Orphalèse que j’imaginais volontiers situé dans une plaine désertique à proximité de la mer. Le prophète à la sortie de la ville, tourné vers le peuple, dos à la plage et au port haranguait la foule de ses sages préceptes.
Dans cette version lue, publiée par Audiolib et interprétée par Michaël Lonsdale, je perds complètement cet espace de liberté, aéré, séché par le soleil, cette perspective que je m’étais créée entre désert et océan. La voix de l’acteur trainante dans son micro, allongeant légèrement – mais déjà beaucoup trop – la dernière syllabe des phrases, l’appui trop prononcé sur le « -dit » des début de parapraphes « il répondit » m’agace au plus haut point et me renvoie l’image d’une église trop sombre, à l’espace contraint, dans laquelle un vieux prêtre viendrait sermonner ses ouailles. Je suis bien loin de cette ville orientale, rêvée et sableuse, où le regard se libère vers l’horizon lointain.
Je suis d’autant plus dérangée par cette interprétation que Le prophète justement se voudrait ne dépendre d’aucune religion. Ce texte, profondément humaniste, nous parle d’un Dieu qui n’appartient à personne ; et cette voix toute chrétienne semble me le kidnapper, l’instrumentaliser pour une cause qui n’est pas la sienne.
J’ai bien conscience que ce n’était probablement pas le but de Michaël Lonsdale, ni celui des éditeurs, mais de toute évidence, l’interprétation a largement influencé mon écoute et ma compréhension jusqu’à la transformer complètement. Je n’arrête pas là pour autant mes expériences de lectures auditives, elles viennent compléter mes temps de lecture plus classique à des moments où je ne suis pas en mesure, techniquement, de tenir un livre entre les mains.
Un bon complément qui ouvre d’autres perspectives, finalement.
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Oui, en effet. Merci de ton passage ici 🙂
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Merci pour cette réponse. 🙂 C’est assez logique finalement, mais intéressant de voir comment l’intervention d’un autre intermédiaire entre soi et le livre peut orienter la lecture, voire la déranger comme ce fut ton cas (et comme ce fut le mien en écoutant une femme lire un texte en je, quand je ne pouvais concevoir qu’un homme en tant que narrateur ; un détail, et tout peut s’écrouler…)
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En effet, les impressions de lecture tiennent parfois à pas grand chose. Parfois, cet intermédiaire peut avoir un effet bénéfique comme ce fut le cas pour mon écoute de Mal de pierres.
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moui… parfois la lecture audio me tente, mais ta critique montre bien que le choix de l’interprète peut tout changer!
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C’est une véritable interprétation même si l’acteur se voudrait le plus neutre possible. Il faut le prendre comme telle. Dans le cas de Milena Agus, par contre, le fait d’écouter le texte m’a permis de prendre vraiment conscience de sa beauté, alors qu’à la première lecture j’étais passée à côté.
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Je suis en train d’écouter un roman assez quelconque d’Amélie Nothomb. Sauf que l’actrice qui lit a une voix qui colle parfaitement à l’univers de cet auteur, jeune, pétillante, assez cassante. Du coup je vais aller au bout mais j’aurais certainement abandonné s’il cela avait été une lecture papier. La lecture audio ouvre d’autres perspectives !
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Oui, c’est ce que je pense aussi. Ce n’est pas du tout le même exercice que la lecture classique. On n’aborde pas du tout le texte de la même manière.
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